Encore une fois, Junji Ito frappe fort en nous offrant un sublime récit dont il est impossible de détacher les yeux. À l’approche du temps pluvieux et de l’atmosphère parfois lugubre du ciel d’automne, son nouveau recueil tombe à pic et donne plus que jamais l’envie de se plonger dans une de ses effroyables histoires !
Un mystérieux village
« Sensor » raconte l’histoire de Kyôko Byakuya, seule survivante de l’éruption du Mont Sengoku, alors qu’elle allait faire une randonnée. Seulement, comme d’habitude avec Ito, rien n’est laissé au hasard, et la raison même de la présence de Kyôko dans un endroit si atypique est étrange… Quelques temps après l’éruption, elle disparaît tout aussi mystérieusement, et c’est là qu’entre en scène Wataru Tsuchiyado, un journaliste ayant aperçu la jeune femme au cours d’un voyage. Désireux d’en apprendre plus sur elle, il décide d’enquêter sur elle, sur le village au pied du Mont Sengoku ayant disparu 60 ans plus tôt, sur une étrange secte semblant vouer un culte à ce que Kyôko représente, et aux nombreux phénomènes surnaturels qui enveloppent toute la région d’un voile d’ésotérisme rendant difficile la différenciation entre la réalité, les mythes et les hallucinations.
De nombreuses inspirations
Ito n’a jamais caché son admiration pour Kazuo Umezu et son héroïne aux cheveux d’or n’est pas sans rappeler celle d’ « Orochi », un des mangas les plus célèbres de son maître à penser. Plus spirituel qu’à son accoutumé, on peut également noter qu’Ito aborde des thèmes très « Lovecraftiens », dans le sens où l’horreur tourne surtout autour du monde divin (dans un sens large) et de la perte de la raison due à une adoration trop dévouée et à une recherche trop effrénée du sens de la vie et des « grandes réponses » de l’univers. Ce volume comprend évidemment quelques passages terrifiants d’horreur corporelle avec son lot d’humains déformés et de monstres hybrides, mais l’horreur de « Sensor » repose sur des choses plus secrètes et peut-être même plus angoissantes que des esprits vengeurs. Quel est le lien entre Kyôko et l’histoire du Mont Sengoku ? Pourquoi le destin semble-t-il se répéter et pourquoi, come chez Lovecraft, une trop grande connaissance de ce que l’on ne peut comprendre en tant que simples mortels semblent toujours nous pousser dans les abîmes de la folie ? Alors que dans ce genre de récits l’idée même que nous sommes insignifiants et incapables de comprendre des concepts dépassant nos simples esprits et nos sens primaires nous remplit d’un indicible vertige cosmique –Quelle est notre place, alors ? Que sommes-nous ? Quelles forces grandioses nous régissent ?–, Ito entrouvre une porte vers le bien, le mal et l’immensité de l’univers, et on ne peut s’empêcher de regarder.
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