La montagne
Du Val d’Aoste à l’Himalaya avec Paolo Cognetti
Paolo Cognetti est un auteur Valdôtains que je découvrais par son roman « Le garçon sauvage » Je suis tombée immédiatement sous le charme.
Son premier roman traduit en français Sophie s’habille toujours en noir sort en 2013. C’est un petit OLNI, sorte de roman puzzle, d’une très belle qualité mais qui passe inaperçu en francophonie.
Dans cet ouvrage, Paolo nous donne pourtant toute l’étendue de son don pour l’écriture. Il rédige dix nouvelles qui formeront un roman, celui de Sofia. Enfant, adolescente puis femme, Sofia nous emporte dans sa vie faite de rencontre, de névroses, de passions et d’illuminations. Paolo Cognetti a cette capacité de rendre le récit émotionnel. Son livre est intense et puissant alors que son écriture est limpide et fraîche.
Il fait partie de ces gens qui n’ont pas besoin de digression et d’emphase pour décrire une émotion et vous emporter très loin en vous.
L’Italie qu’il dresse dans ce roman est passionnante et Sofia vous envoûte.
C’est en 2016 que je découvre « Le garçon sauvage » publié chez Zoé puis en poche chez 10/18. Bon sang comme j’ai aimé ce bouquin ! C’est un livre qu’on dévore, planqué sous une couverture douillette, incapable de quitter les mots quand bien même la faim et les courbatures vous tiraillent.
Paolo Cognetti est déprimé, épuisé par la vie, incapable d’écrire, il en souffre profondément. Il décide de quitter la vie citadine qu’il mène à Milan et retourne « chez lui » pour un été, là où il pense trouver « l’idée de la liberté la plus absolue ». Ce décore, c’est Grand Paradiso, un massif du Val d’Aoste.
Et bien, la petite valaisanne du Val d’Hérens que je suis s’est retrouvée « chez elle ».
Cognetti nous dépeint les silences avec une poésie tout en subtilité. Il sait conter la solitude, le respect et l’immensité qu’impose la montagne.
Retrouver des gestes d’antan, qu’il exécute maladroitement mais avec humilité et amusement et comprendre qu’il n’a de « sauvage » plus que les souvenirs. C’est avec pudeur et une profonde estime qu’il apprivoise ces paysages grandioses. Petit à petit, à force de calme, de peurs irraisonnées et de ravissements, il reprend la plume. Admirateur de Mario Rigoni Stern, Henry David Thoreau, John Muir ou encore Elisée Reclus, le récit de Paolo Cognetti est un sublime hommage à Dame Nature. Il fait partie de ces auteurs qui ont dû confronter le « Je » face au « Grand » et ce n’est pas un exploit qu’il vous offre mais une introspection à la poésie bouleversante.
En 2017, La Cosmopolite publie le premier « vrai » roman de Paolo Cognetti. Son « carnet de montagne » à permis à l’auteur de libérer sa plume. Il a fait la paix avec lui-même et peut à présent parler de tout, de rien, avec aisance parce qu’il se connaît. Mais ne croyez pas qu’il a oublié d’être humble et pur, non bien au contraire. Il nous livre ici une histoire aussi délicate qu’une aube sur les cimes.
Les Huit montagnes est un roman d’amour. Parce que Pietro aime sa montagne, d’un amour dévorant et absolu. Un roman d’apprentissage, où les personnages sont intimement liés, déchirés parfois mais indissociables. Parce que quand on connaît les gens on ne peut les effacer, l’on doit faire avec et bien qu’on soit incapable parfois de les aimer, ils font partie de nous. Comme la montagne…
C’est un roman authentique, simple et de toute beauté qui à reçu, à raison, le prix Médicis étranger.
Paolo Cognetti a deux passions : l’écriture et la montagne. Alors il réunit les deux et part se perdre dans les sommets pour y écrire de et sur sa passion et revient en 2019 avec « Sans jamais atteindre le sommet ». Dans ses autres livres, l’auteur nous raconte la montagne, sauvage par essence mais malgré tout urbanisée, occupée (ou abandonnée) par l’homme. Il veut connaître la Montagne, celle qui surpasse tout, la Montagne intègre comme il l’appelle. Alors il choisit l’Himalaya, dans le Dolpo. Il s’équipe d’une caravane d’hommes et de mulet et d’un livre « le léopard des neiges » de Peter Matthiessen.
J’étais tellement contente qu’un nouveau Cognetti paraisse et puis j’ai eu peur en lisant la 4e de couverture. Parce que je me réjouissais de retrouver les récits touchants et tendres de l’auteur. Il me semblait qu’il allait s’agir ici d’un exploit, d’un dépassement de soi et bien que j’adore cela chez Sarah Marquis ou Frison Roche, j’attends autre chose de Cognetti. Comme j’ai eu raison de passer mon préjugé et de plonger dans ces pages.
Paolo nous raconte la plénitude, l’essentiel, l’envoûtement et l’amitié. De son écriture intelligente il débarrasse le futile pour embrasser pleinement l’essentiel.
« Lever le camp tous les matins est la loi de la caravane, mais pour comprendre il faudrait pouvoir s’arrêter, rester ».
« Marcher réduisait la vie à l’essentiel : manger, dormir, rencontrer, penser. Aucune invention de notre siècle ne nous servait à rien une fois que nous étions en route, mis à part une bonne paire de chaussures ».
C’est un récit sobre et sans concession. Cognetti ne veut pas atteindre les sommets qu’il va rencontrer. Il ne veut pas d’ascension mythique pour planter un orgueil tout en haut. Il veut marcher, franchir des cols et les descendre pour devoir recommencer. Ce rythme particulier donne le ton à son carnet de voyage. C’est cela : un voyage plus qu’une expédition. Un conte plus qu’une aventure.
« Nous montions et descendions, gagnant cent ou deux cents mètres avant de les reperdre à nouveau. Je me rendis compte que déjà dans l’idée de gagner et de perdre, il y avait une conception économique typiquement occidentale de la montagne. Tu perdras tout ce que tu as cru gagner, dis-toi que le sentier est bien plus précieux que le sommet ».
L’auteur vous emmène dans ses bagages et partage avec vous le thé comme le mal des hauteurs, la solitude même quand on est accompagné, la beauté des paysages, des gens et avec lui on s’abandonne.
» Je savais qu’en montagne on marche seul même quand on marche avec quelqu’un, mais j’étais heureux de partager ma solitude avec ces compagnons de route. «
Petit à petit la lecture devient physique, le corps raconte autant que l’esprit. Revenir à l’essentiel c’est aussi laisser faire l’instinct. Les mots de Matthiessen se mêlent aux pensées du narrateur, le tout sous une plume épurée, intime et toujours aussi fabuleuse.
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