Nathacha Appanah
Le ciel par-dessus le toit
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme…
Nathacha Appanah rend un petit hommage à un grand poète, Paul Verlaine, avec ce roman subtile. Le ciel par-dessus le toit de la prison, enfin, de la maison d’arrêt comme il faut l’appeler, où se trouve Loup, un adolescent particulier de 17 ans. Le ciel est un peu loin, la vraie vie en dehors de la vie de ce jeune qui ne rêve que de courir loin. Loin de sa mère surtout, la flamboyante Phénix, qui a fuit son enfance prématurément.
De la maison d’arrêt, Loup raconte l’enfermement, sa sœur Paloma, la culpabilité d’avoir abandonné son frère et leur mère parle de sa lassitude.
Si c’est Loup qui est entre quatre murs, c’est toute sa famille qui souffre de la solitude.
Nathacha Appanah signe un récit à plusieurs voix et apporte par petites touches les briques abîmées qui érigent les fondations de la violence. Chacun à tour de rôle va prendre la parole pour affronter ses failles et nous livrer un pan de la vie de leur famille disloquée depuis plusieurs générations.
Il y a des endroits comme ça qui restent cachés au monde pendant des années et seuls ceux qui savent, savent.
C’étaient en ces jours là, où le diable ne trouve pas un endroit sombre pour se tapir tant la lumière s’attarde et s’accroche. Il est partout ce jour, dépouillant, dénudant, allégeant et il ne fait plus peur ce jour sans fin ou alors si peu
Après Tropique de la violence, l’autrice mauricienne n’avait plus à prouver son talent. En 2019, elle récidive et raconte les dysfonctionnements d’une famille atypique.
Le premier roman de Mathilde Forget
A la demande d’un tiers
Le roman s’ouvre sur une scène de douce violence : deux sœurs qui se battent. Des chamailleries d’enfant qui évoluent en affrontements d’adulte. Suzanne se débat car derrière la porte, des pompiers sont là, pour l’emmener dans un centre à la demande d’un tiers, sa sœur.
On flotte dans cette famille déconstruite, on oscille entre les souvenirs candides d’une enfance dans les années 90 et la violence du deuil.
Mathilde Forget signe un premier roman fort où se dénouent des situations complexes, des drames personnels qui restent cachés. La jeune compositrice passe avec brio de la musique à la littérature.
Je sais qu’on ne parlera plus jamais de Pauline ensemble. C’est le deal. Parfois, quand le silence est installé depuis trop longtemps, il devient nécessaire. Il prend soin d’une certaine réalité dans laquelle Suzanne est en sécurité. Son regard est tranquille. Toujours aussi bleu. Si l’enfance est un territoire insaisissable, je l’ai traversé avec ce regard-là à mes côtés. Nos madeleine proviennent du même paquet.
On plonge dans les méandres d’une folie ordinaire qui nous charme. Mais de destins destructeurs qui nous effraient. On suit avec émotion les histoires de plusieurs femmes, de résistantes à la folie.
Il y a d’abord celle que la narratrice nous conte, avec ses lubies et ses attentes.
Puis, celle de la fille avec qui elle veut vieillir, son quotidien, sa normalité.
Celle avec qui elle a grandit, son amie d’enfance, celle qui a une mère.
Celle qui est pleine d’attentions et de secrets, sa grand-mère.
Bien sûr il y a celle qu’elle veut interner, sa sœur si fragile qu’il faut toujours protéger.
Et enfin l’histoire de celle qui n’est plus là, Pauline, sa mère.
Christophe Tison
Le journal de L
Dolores Haze est une jeune fille ravissante, légèrement insolente qui tient un journal intime. En 1947, son beau père est venu la chercher à son camp de vacances pour lui annoncer une nouvelle difficile à croire : la mort de sa mère. Tout deux partent cet été-là sur les routes d’une Amérique ensoleillée. De petites villes en petites villes, Dolores raconte les petits hôtels avec un seul lit double, les glaces en récompense, les magazines pour s’évader …
Avec Hum son beau père européen et distingué, elle découvre les musées, Madame Bovary et surtout à ne plus se montrer vulgaire en public. Car Humbert Humbert est possessif et si il offre toutes ces choses à son effrontée de belle fille, c’est pour ce qu’elle donne en échange dans les chambres d’hôtels. Car Dolores n’est autre que sa Lo, sa Lolita.
Dans le célèbre roman de Nabokov, on découvrait Lolita. Une midinette à l’aube de sa puberté et le ravissement qu’elle déclenchait chez le narrateur, Humbert Humbert.
Christophe Tison redistribue les cartes et donne la parole à cette héroïne mystérieuse dans ce journal intime impudique et fictionnel. Et comme dans le roman de Nabokov, on se retrouve voyeur, plongé dans une incompréhension, un mélange de désir et de malaise.
La seule supériorité que j’ai sur tout le monde, sur Hum et tous ces gens qui nous regardent passer et ne disent rien, c’est que je sais que je joue un rôle. Alors que vous tous, oui vous qui me voyez en compagnie de ce vieux monsieur, vous êtes toujours et éternellement vous mêmes, c’est à dire que vous jouez à être monsieur ou madame Untel sans vous en apercevoir. Vous ne doutez pas et donc vous n’avez pas de doute : cette jeune fille avec ce bonhomme, c’est sa fille, sa nièce, ou même sa nouvelle femme gagnée au bingo… tout est normal.
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