Difficile de se repérer tant la rentrée littéraire foisonne de nouveaux titres. Auteurs abonnés aux parutions de septembre, grands noms de la littérature française, nouvelles plumes prometteuses…Une petite sélection de trois nouveautés qui sortent du lot avec une ambiance pesante, une atmosphère sombre ou mélancolique.
Rentrée littéraire Actes Sud
Substance de Claro
Claro n’en est pas à son coup d’essai. Le romancier et traducteur revient avec un nouveau titre aussi étrange que les précédents. Substance est un OVNI est débarquera le 21 août en librairie. L’histoire se déroule quelque part on ne sait précisément où, à une certaine époque. Elle est racontée par Benoît. Ce narrateur orphelin a été recueilli par La Tante. Mais y a-t-il seulement un lien de parenté entre eux ?
La Tante est une femme excentrique et secrète qui vit enfermée dans sa chambre. Et ce qui se trame derrière la porte seul ce personnage aux allures de Jane Austen le sait. Certains entrent dans ce boudoir énigmatique mais sont-ils prisonniers ou bien au chaud, à l’abri ?
Car de cette femme on ne connaît que ses excentricités. Elle aime cuisiner des plats novateurs et un peu trop audacieux, elle entretient des relations particulières avec les notables de la région qui convoitent sa froide et vaste demeure.
Benoît lui ne sait rien de son histoire. Ce dont il est sûr c’est ce qu’il ressent, comme la substance de la mort qui vit nichée au fond de lui. Très tôt il la sent, plus tard il la voit, enfin il l’apprivoise.
Claro déclenche notre imaginaire, il parsème des indices mais nous laisse construire l’histoire. Il y a autant de lectures possibles que de lecteurs. Roman aux accents gothiques, il séduit par un travail remarquable sur la langue. Ce livre regorge de phrases alambiquées, de mots enchanteurs oubliés. Le lecteur est plongé dans une atmosphère étrange qu’il ne comprend pas et qui flirte avec le fantastique.
Certains morts, pourtant, étaient la proie d’une faconde inouïe, ils se répandaient avec verve et fluidité en alexandrins, s’obstinaient à communiquer par delà les siècles et les changements de régime pour la plus grande joie de cénacles d’inlassables lettrés, se moquant de la barrière des langues et de la corruption des styles, à croire qu’au fin fond des limbes où on les avait installés, en guise de géhenne ou de lyre, il leur était échu un clavier éthérique. Greffiers d’un génie impalpable, ils versifiaient encore dans l’infini de l’indifférence.
Protocole Gouvernante
Le premier roman de Guillaume Lavenant
Vous êtes gouvernante. Du moins pas encore mais vous allez le devenir. Le protocole vous dira comment agir, comment vous intégrez, quels gestes faire à quel moment, quelles phrases prononcer à quel interlocuteur. Ce sera votre couverture et vous aurez une mission.
Vous êtes d’emblée embarqués dans ce récit court et incisif. Le malaise est palpable. Vous êtes un personnage du roman mais vous ne savez pas qui êtes, ce que vous faites et pourquoi vous êtes anxieux comme cette nouvelle gouvernante.
On suit ce protocole en y cherchant des indices, l’écriture de Guillaume Lavenant est hypnotique. Ce metteur en scène de profession réussit à créer une atmosphère pesante et anxiogène au cœur de la banalité du quotidien d’une famille dans une banlieue cossue.
Ce premier roman réussit d’un auteur à suivre est à découvrir à partir du 21 août.
S’il n’est pas là, cela se compliquera légèrement. Elle vous fera patienter, vous dira mon mari n’est pas là et vous invitera à l’attendre au salon. Cela durera longtemps. Cela durera longtemps parce qu’elle sera en face de vous à ne rien faire, qu’elle vous aura proposé thé et petits gâteaux que vous aurez déclinés, et, comme elle ne parlera pas, ou très peu, il ne se passera rien de notable
Alexandre Civico, Atmore, Alabama
Un coup de coeur chez Actes noirs
Petit bijou à paraître le 4 septembre prochain chez Actes Sud noirs,Atmore, Alabama met en scène des personnages aux destins dramatiques dans une petite ville américaine.
Atmore, 10 000 habitants. Une ville typique en Alabama qui accueille un nouveau venu. Un français rongé par le chagrin, sans projet, sinon celui de se tenir à proximité de la prison de la ville. Que cherche t-il ? Une reconstruction, une vengeance?
Il croisera le chemin de plusieurs femmes brisées. Celle qui lui loue une chambre dans sa propre maison, la serveuse d’un diner quelconque et surtout une mexicaine libre et survoltée.
Alexandre Civico n’en est pas à son coup d’essai et sa plume est travaillée et mélancolique.
Le sommeil est un rasoir qui chaque nuit me lacère le ventre, mais il faut bien dormir. Je me suis réveillé doucement quelques heures plus tard, la nuit était là tout autour. Les mots sont apparus peu à peu, le rêve leur a cédé la place. Les mots comme un mensonge. J’ai tiré dessus, sur le langage, pour faire durer le rêve, mais il s’effilochait, s’ensablait, disparaissait, me laissant seul avec le cauchemar qui est ici
Un soupçon de Tarantino dans ce roman noir qui se déroule sur plusieurs temporalités, dans les même décors et les mêmes habitudes, immuables.
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