Vivre vite de Brigitte Giraud
Le voilà, fraîchement annoncé le 3 novembre, le Prix Goncourt 2022!
Et c’est une belle surprise! L’ouvrage de Brigitte Giraud est d’une délicatesse rare alors qui porte un sujet douloureux. En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, L’autrice tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Car la mort soudaine a ceci de brutal, elle remet en question notre existence par des Et si? Et si nous avions fait autrement, changé de direction, décider autre chose, aurions-nous évité le drame? Et si? Pourquoi? Hasard, destin, coïncidences ? Brigitte Giraud revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. A ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux.
Le deuil de son mari, survenu à un feu sur une grosse moto qui n’était pas la sienne, alors qu’il partait chercher leur fils à la sortie de l’école, Brigitte Giraud l’évoquait déjà dans son ouvrage A présent. Claude ne se relèvera jamais de sa chute. Claude ne vivra jamais dans cette maison qu’ils venaient d’acquérir et qu’ils voulaient rénover. Et si Claude n’avait pas été à Paris ce jour là, et s’il n’avait pas acheté cette maison? Et s’il n’y avait pas eu de moto dans le garage de cette maison? 20 ans après ce drame, Brigitte Giraud revient sur ces questions alors qu’elle se décide à vendre cette fameuse maison dans laquelle elle, elle a vécu. 20 ans de souvenirs, 20 ans d’absence, 20 ans sans lui.
Dans 21 chapitres, en forme de Si, l’autrice explore tous les possibles, certains plausibles d’autres totalement improbables, qui lui permettent d’envisager tous les possibles, tous les petits pas de côtés, tous les hasards qui auraient pu mais n’ont pourtant pas empêché la fatalité. Elle vous emporte dans un puzzle savamment construit, une introspection émouvante faite d’analyses fines qui nous dévoile son deuil, qu’elle vit aujourd’hui avec beaucoup de douceur.
A lire également
Porté disparu, roman jeunesse en échos à son roman Jour de Courage
Lors d’un exposé en cours d’histoire sur les premiers autodafés nazis, Livio, 17 ans, retrace l’incroyable parcours de Magnus Hirschfeld, ce médecin juif allemand qui lutta pour l’égalité hommes-femmes et les droits des homosexuels dès le début du XXe siècle. Homosexuel, c’est précisément le mot que n’arrive pas à prononcer Livio : ni devant son amie Camille, dont il voit bien qu’elle est amoureuse de lui, ni devant ses parents. Magnus Hirschfeld pourrait-il parler pour lui ? Sous le regard interdit des élèves de sa classe, Livio accomplit alors ce qui ressemble à un coming out. A un siècle de distance, est-il possible que le médecin et le lycéen se heurtent à la même condamnation ?
Dans Porté disparu, l’autrice donne voix à tous les personnages de l’histoire de Livio et prolonge leur parole. Après son exposé en cours d’histoire, Livio a disparu et personne ne sait où il est. Cet exposé était bien plus qu’un simple exercice : une revendication, un moment de courage, et peut-être un aveu. Mais il s’est heurté à la perplexité, à l’indifférence et surtout à l’hostilité de sa classe. Depuis lors, il a disparu et personne ne sait où il est. Sa plus proche amie Camille, sa professeure d’histoire, ses camarades, ses parents, tous interrogent le parcours de Livio et tentent de comprendre. Dans le creux de cette absence, résonnent tous les questionnements : ils auraient dû le voir venir, aucun ne l’a vu partir. Et si cette fuite était l’expression du courage ultime ?
Laisser un commentaire