Et une fois de plus, voici un article qui aurait pu commencer ainsi : « Ohlala, j’ai lu un roman incroyable ! Il faut que je te raconte ». Parce que tu sais, ce roman m’a vraiment secouée, pleinement, jusqu’aux frissons, jusqu’aux larmes, et si j’aime tant mon métier c’est bien parce qu’il me permet ceci : te parler de coups de cœur et de belles découvertes, les partager avec toi et avoir la chance, parfois, de les redécouvrir plus tard à travers ton regard. Mais autant le dire tout de suite : ce roman-ci, Normal People, est bien plus qu’un coup de cœur. J’ai développé pour lui un attachement quasi-viscéral, une empathie totale pour ses personnages, ces âmes volantes en lesquelles je me suis tant retrouvée (ce qui parfois m’a fait sourire, et parfois m’a arraché une grimace). Quand j’ai achevé de le lire, je l’ai pressé fort contre mon petit cœur tout ramolli en laissant échapper un de ces longs soupires alourdis de larmes retenues qui voulait dire « Oh, Oh … Qu’est-ce que c’était beau ! »
Et maintenant que je suis là, devant mon écran d’ordinateur, et qu’il faut que je me décide à écrire cette chronique, j’ai bien l’impression que je vais avoir du mal à trouver les mots justes. Parce que c’est toujours pareil quand j’aime : l’enthousiasme qui déborde, tant et tant de choses que j’ai envie de dire, mais au final aucune formule qui me paraisse à la hauteur. Ma langue enfle dans ma bouche et étouffe les mots, mes mains tremblent un peu en mimant avec maladresse des paroles que personne ne comprend, et ma voix tout à coup me parait tout petite, toute étroite : jamais elle ne suffira pour transmettre correctement l’intensité de ce qu’il y a à dire.
Alors bon, cette fois-ci je suis presque sûre que je n’arriverai pas à décrire comme il le faudrait ce petit bijou qu’est Normal People, je sais déjà que quoi que j’en dise, ce sera forcément trop plat, trop fade pour véritablement rendre compte de la puissance incroyable de ce texte.
Donc je laisse tomber les belles formules pour aujourd’hui, et je ne te ferai pas non-plus d’exposé en trois parties pour t’expliquer pourquoi tu devrais lire ce roman plutôt qu’un autre. En revanche, avec mes mots simples, naïfs et sincères, je te dirai ceci : comme toi probablement, je me suis penchée sur Normal People avec un peu de curiosité, mais pas plus. Parce que bon, il y avait cette petite banderole de papier qui disait « 1 million d’exemplaires vendus », alors ça devait être une lecture sympa. « Sympa », et puis on passe à autre chose. Sauf que non. La vérité c’est qu’il m’a été impossible de décrocher de ce roman tellement il était beau, touchant et addictif. La beauté est addictive. L’honnêteté, dont ce récit déborde, l’est bien plus encore. Parce qu’avec l’honnêteté on peut décortiquer les choses, on peut plonger en leur cœur. Elles apparaissent avec clarté, toutes entières et sans falsification, plus rien n’est caché.
Sally Rooney ne se contente pas de nous raconter une histoire d’amour hachée entre deux personnages si différents et qui tentent de s’accorder, occasionnant frictions et éclats, incapables pourtant de renoncer l’un à l’autre. Elle ne se contente pas de nous raconter la naissance du désir, ce lien étrange, parfois poète et parfois carnassier, qu’il faut apprendre à connaître. Et elle ne se contente pas non-plus, l’espace de 300 pages, de nous ramener de loin à ces années charnières de l’existence où l’on opère l’étrange migration vers l’âge adulte … Sally Rooney descend au plus profond de l’âme humaine, là où tout n’est jamais simplement blanc ou noir mais au contraire fait de nuances, une infinité de nuances si nombreuses et subtiles qu’on n’a pas encore inventé suffisamment de mots pour les décrire toutes.
C’est un roman très sensible, très juste et sans fioriture : c’est simplement la vraie vie et les vrais gens, avec toute leur palette d’émotions qui ne seront jamais véritablement comprises que d’eux seuls, mais en lesquelles on peut tous se reconnaitre d’une certaine manière. Et j’espère vraiment que toi aussi tu partiras à la découverte de ce roman incomparable. Je ne sais pas s’il peut faire partie de ces « romans qui ont changé votre vie », ce qui est certain en tout cas c’est qu’il m’a profondément marquée et que j’ai eu l’impression, en le lisant, de vivre une expérience indescriptible.
Je te laisse avec la quatrième de couverture :
Connell et Marianne ont grandi dans la même ville d’Irlande. Il est le garçon en vue du lycée, elle est la solitaire un peu maladroite. Pourtant, l’étincelle se produit : le fils de la femme de ménage et l’intello hautaine connaissent ensemble leur premier amour. Un an plus tard, alors que Marianne s’épanouit au Trinity College de Dublin, Connell s’acclimate mal à la vie universitaire. Un jour, tout est léger, irrésistible ; le lendemain, le drame pointe et les sentiments vacillent. Entre eux, le jeu vient tout juste de commencer.
Sally Rooney réussit le tour de force de donner une dimension unique et universelle à cette histoire. Porté par des dialogues saisissants de justesse, Normal People est un roman magistral sur la jeunesse, l’amitié, le sexe, sur les errances affectives et intellectuelles d’une génération qui n’a plus le droit de rêver, mais qui s’entête à espérer.
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