La mythologie regorge d’histoires qui ont été maintes et maintes fois revisitées. Riches et emplies de morales, ces légendes intéressent toujours autant et inspirent de nombreux artistes et réalisateurs. Deux auteurs contemporains s’en emparent pour écrire de nouvelles histoires qui s’éloignent des sentiers battus.
Circé
La sorcière de la mythologie grecque
Dans la mythologie grecque, Circé est la fille d’Hélios, la personnification du soleil, et de Persé, une nymphe. Chargée d’éduquer de jeunes héros, elle dévoue sa vie à ses enfants, les frères et sœurs de Circé.
Circé a de grands pouvoirs. A l’image d’une sorcière, elle prépare filtres et poisons d’amour, pommades à base de plante … Elle peut transformer des humains en animaux. Véritable séductrice, elle habitait seule sur une île, à l’abri dans son grand palais couvert d’or et d’argent. Elle s’isole là bas après avoir empoisonné son mari dans la plupart des versions du mythe.
Le roman de Circé
La poésie de Madeline Miller
Considérée comme une simple nymphe à sa naissance, Circé grandit loin de se douter qu’elle détient de nombreux et puissants pouvoirs. Vilain petit canard de sa famille, on se moque de sa voix d’humaine, de ses cheveux bruns, de sa naïveté. Elle se construit dans cette atmosphère rigide et cruelle. Les dieux sont hautains, impitoyables et se rient des croyances des Hommes.
Mais Circé est attirée par ce monde qu’elle ne connaît pas. Celui où l’on côtoie la mort. Et Circé est attirée par ces Hommes. Véritable amoureuse, elle se brûlera les ailes pour la gloire de ses amants. Ce qui lui vaudra une exclusion. Punition ou bénédiction ? Cette solitude lui apportera du courage et elle prendra conscience de sa vraie nature, de l’étendue de ses pouvoirs.
Le récit de Madeline Miller foisonne de dieux et déesses, de références mythologiques mais ne se contente pas de relater une énième fois un mythe. Elle donne vie à ses personnages et creuse au plus profond de leurs âmes. On dévore ce livre tant on se bat au côté de Circé, tant on vit ses émotions. Le lyrisme de l’auteur et sa plume font de ce roman un chef d’oeuvre.
Désormais, elle ne pourrait plus dissimuler sa méchanceté vipérine. Toute sa laideur serait révélée. Ses sourcils s’épaissiraient, ses cheveux deviendraient ternes, son nez s’allongerait et prendrait la forme d’un groin. Le palais résonnerait de ses cris furieux, les dieux majeurs viendraient me fouetter, mais je les accueillerais avec joie, car chaque coup de fouet sur ma peau prouverait un peu plus mon amour à Glaucos.
Médée, la magicienne grecque
Kali, la déesse hindoue
Circé est la tante de Médée. Et comme elle, c’est une grande magicienne. Éprise de Jason, elle l’aidera grâce à ses pouvoirs à se protéger du feu des dragons de la Toison d’or. Son histoire est une série de meurtres puis de fuites. Comme sa tante, elle se met en danger pour l’amour des hommes.
Dans la mythologie hindoue, Kali est la déesse de la destruction, de la transformation et de la préservation. Elle représente le Temps. Tout chez elle est terrifiant. Elle a plusieurs bras, un collier de crânes pendu à son cou, la peau noire, les yeux rouges … Devenue folle, elle met en danger l’équilibre du monde en entrant dans une transe après avoir lécher le sang du démon.
Quand Médée rencontre Kali
Laurent Gaudé réunit les mythes dans une pièce de théâtre
Médée et Kali se rencontrent et se confondent grâce à la plume de Laurent Gaudé. Loin de revisiter un mythe bien connu, l’auteur apprivoise Médée, la bouscule et la fait naître en Inde, dans le pays où l’on vénère Kali. Les deux entités deviennent une seule force poétique et brûlante. Et c’est dans un monologue, joué aussi au théâtre, que Médée Kali nous raconte sa puissance de destruction, les ravages qu’une femme détruite peut faire sur le monde. Cette confession est abrupte, sans grande explication.
La connaissance des deux mythes n’est pas nécessaire pour comprendre et apprécier ce court texte. Ce que l’on retient, c’est avant tout l’amour d’une femme pour les hommes, pour ses enfants et les sacrifices qu’elle peut faire pour eux. Mais l’on retient également sa haine pour les hommes. Torturé et subtile, ce roman est une gifle. La lecture se fait d’une traite, l’empreinte douloureuse est durable.
De mes hanches ne sera sorti aucun nourrisson.
Ta main belle et large ne sera posée sur la tête d’aucun fils.
Notre amour brûle, Jason,
Dans une odeur écœurante de chair et de fumée.
Je te regarde une dernière fois avant de t’oublier.
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