Pour bien débuter cette nouvelle année, j’avais envie de revenir avec toi sur une des plus belles, puissantes et inoubliables lectures que j’ai pu faire en 2021 : il s’agit de Lorsque le dernier arbre, le premier roman au titre si énigmatique d’un jeune auteur canadien à suivre, Michael Christie.
« Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde -, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure.
D’un futur proche aux années 1930, Michael Christie bâtit, à la manière d’un architecte, la généalogie d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts.
2038. Les vagues épidémiques du Grand Dépérissement ont décimé tous les arbres et transformé la planète en un désert de poussière. L’un des derniers refuges est une île boisée au large de la Colombie-Britannique, qui accueille des touristes fortunés venus admirer l’ultime forêt primaire. Jacinda y travaille comme guide, sans véritable espoir d’un avenir meilleur. Jusqu’au jour où un ami lui apprend qu’elle serait la descendante de Harris Greenwood, un magnat du bois à la réputation sulfureuse. Commence alors un récit foisonnant et protéiforme dont les ramifications insoupçonnées font écho aux évènements, aux drames et aux bouleversements qui ont façonné notre monde. Que restera-t-il lorsque le dernier arbre aura été abattu ? » (quatrième de couverture).
« Foisonnement ». C’est le premier mot qui me viendrait pour décrire ce livre. Tu l’auras compris, Lorsque le dernier arbre est un roman riche, profond et étonnant, qui mélange les genres, sort du cadre, pulvérise les catégories. Au premier abord, il se présente comme un récit d’anticipation, une dystopie qui pourtant se déroule dans un monde très ressemblant au notre et dans un avenir proche : 2038. Mais rapidement, à mesure que le récit avance et que l’on creuse le passé sur la piste des origines de Jacinda, le roman prend tour à tour des allures de saga familiale, historique, de roman social mais aussi de fable écologique. En l’espace de 600 pages, intime et Histoire Collective se mêlent dans une ronde vertigineuse, émaillée de secrets et de hasards de la destinée, le tout sublimé par un retour permanent au bois, à l’arbre, à la nature, à travers lequel l’auteur tisse sa métaphore et échafaude ce qui confère au roman toute sa puissance et sa beauté.
Car à mon sens, si ce roman est si marquant et original, cela ne tient pas seulement à ce qu’il raconte mais aussi (et surtout ?) à la manière dont il le raconte. En effet, Michael Christie élabore dans son roman un dispositif narratif unique en son genre. Je m’explique : quand on observe le tronc d’un arbre en coupe, on y voit toute une série de cercles concentriques, des cernes de croissance, qui correspondent à différentes étapes de la vie de l’arbre. L’histoire de cet arbre se lit alors moins comme une succession d’évènements que comme une superposition, une accumulation. Et c’est ainsi que le Temps apparait : comme une accumulation. De même, Michael Christie envisage l’histoire de Jacinda et de sa famille à travers une superposition de couches, qu’il creuse donc en remontant les années. A partir de 2038, il remonte jusqu’en 1908, jusqu’à la génèse, l’origine de la famille Greenwood, puis il retraverse le temps pour revenir à 2038, là où s’achève l’histoire. La structure même de son récit devient alors une puissante métaphore, porteuse de symboliques sensibles et engagées, poétiques, et nous permet à nous lecteurs de recomposer le puzzle fascinant d’une odyssée familiale bouleversée par les hasards…
Définitivement, un incroyable roman à découvrir !
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