Léonor de Récondo est autrice mais avant tout violoniste. Elle commence l’écriture en 2010 et ses livres obtiennent de multiples prix littéraires. Cette réussite n’est pas un hasard. Comme sa musique, son écriture est douce, bienveillante. Pas de phrase alambiquée, de paragraphe interminable, sa prose est simple et subtile. Chaque mot est pesé. Elle aborde des sujets actuels, parfois brûlant sans émettre de jugement : le deuil, la fin de vie, le désir, l’homosexualité …
Amours
Le roman qui a fait connaître l’autrice.
Il y a des secrets dans toutes les familles. Et ce qu’il se passe derrière les portes cossues du début du XXe siècle a parfois un goût d’interdit.
Anselme vit avec Victoire, notaire de profession, il mène une existence confortable et peut s’offrir les services d’une bonne. La nuit, il rejoint Célèste malgré elle. Et la jeune servante tombe enceinte. Pour sauver les apparences, Victoire va faire passer cet enfant pour le sien. N’arrivant pas à réellement l’accepter, elle le laisse dépérir. Célèste part s’en occuper en cachette et apprend à connaître son enfant mais surtout Victoire.
Léonor de Récondo dépeint les émotions et les vies de deux femmes sans émettre le moindre jugement. Un début d’émancipation des femmes, un interstice sur l’homosexualité. Chaque destin est en accord avec l’époque dans laquelle évolue les personnages.
Huguette, saisie par la beauté de cette musique, reste sur le pas de la porte avec son plateau. Elle écoute et, surtout, elle remarque la gravité du visage de Victoire, complètement absorbée par la délicatesse avec laquelle les notes sortent de ses mains. Poser doucement la pulpe de ses doigts sur la touche, appuyer juste ce qu’il faut pour en avoir l’âme blessée.
Chaque phrase est à sa place. Chaque mot est soigneusement choisi. Ce roman est probablement l’un des plus beaux de l’autrice.
Point Cardinal
Le questionnement de l’identité
Mathilda enlève ses faux cils, se démaquille, retire sa perruque. Mathilda redevient Laurent sur le parking d’un supermarché. Mathilda brille, existe, ressent. Laurent lui est triste, pris au piège de sa masculinité. Ce sentiment de n’être pas dans son vrai corps, il le connaît depuis longtemps. Sans oser l’avouer à sa femme, il devient chaque soir Mathilda, et peut enfin enlever sa carapace de Laurent, qu’on lui a très tôt imposé.
Et un jour comme celui ci devait bien arrivé. Le soir où l’évidence éclate à un repas de famille. Son fils, sa fille, sa femme, la mère, chacun accueille Mathilda d’une manière différente. Tour à tour, on s’immisce dans les pensées de chacun. Les remarques des camarades d’école des deux adolescents, les regards chargés de sous-entendu de ses collègues, le soutien de sa femme, sans faille.
Sans jugement, avec douceur et bienveillance, Léonor de Récondo restitue une voix à chacun, décuple les ressentis, fait éclater les préjugés.
La vague de plaisir qui le submerge secoue tout son corps. Une extase qui le transporte, cœur battant, au centre de sa chair, en son point cardinal, là où Mathilda pousse un cri.
Manifesto
Les derniers instants d’une vie
Un manifeste en hommage à son père.
Un manifeste de la douleur.
Un manifeste des souvenirs familiaux.
Un manifeste pour faire son deuil.
Le père de Léonor de Récondo va mourir. Les infirmières ont prévenu sa mère, les médecins sont sûrs de leur sentence. Durant cette dernière nuit, la mère et la fille refuseront de le laisser seul. Les adieux de Léonor à son père, d’une femme à son mari sont délicats. Jamais on ne peut s’y préparer.
Devant l’inconscience du père, ce mutisme forcé, il n’y a qu’un monologue. Celui de la personne qui restera en vie. Le seul refuge possible reste de toucher, parler, se souvenir. De s’enivrer une dernière fois de l’homme qui s’en ira.
C’est cette longue attente que raconte Léonor de Récondo. Cette attente interminable et si courte à la fois. Le texte est bref et durable comme l’instant. S’entremêlent à ce manifeste les fragments de la vie de son père Félix. Des morceaux de vie reconstitués, pour rendre un dernier hommage à cet homme passionné d’art, son modèle. Et un dernier adieu aux douleurs enfouies de Félix.
Ce livre se vit comme un bouleversement et se lit comme si, nous aussi, on se trouvait au chevet de cette famille, ensemble pour la dernière fois.
Le dernier Récondo
La leçon de ténèbres
« Ma nuit au Musée » est une collection dirigée par Alina Gurdiel. Après Kamel Daoud, Lydie Salvayre et Ono-dit-Biot, c’est au tour de Léonor de Récondo de s’essayer à une aventure dans le monde de l’art. Et comme dans Manifesto, elle incarne son propre personnage.
Pendant sa nuit au musée, Léonor espère une rencontre. Elle met tout en oeuvre pour rencontrer Doménikos Theotokopoulos. Et si le peintre, sculpteur et architecte a vécu à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, ça ne semble pas freiner les ardeurs de la jeune femme. Peu importe les anachronismes, Léonor part invoquer l’artiste munie d’un carnet et de son violon, déterminée à passer une nuit sensuelle et mystique avec l’homme qu’elle admire.
Ce peintre, elle l’a d’abord choisi pour rendre hommage à son père. Lui qui adorait Le Greco, cet espagnol qui a laissé sa marque dans le monde de l’art et qui a influencé les plus grands, Picasso entre autres.
Donnant voix à l’homme, à l’art, Léonor de Récondo offre une déclaration d’amour emprunte de douceur, de poésie et d’un immense respect.
C’est parce que tu es là que je peux ouvrir mon regard, c’est parce que ton amour me protège que je peux tout, ne lâche pas ma main, tiens-la fort encore, le temps que je me remplisse les yeux, le temps qu’il me faudra pour prendre possession du monde sans que personne ne s’en aperçoive sauf toi …
Laisser un commentaire