Noémie Moulin chez Torticolis et frères
Ce roman fait le récit de personnes qui vivent les choses de façon intense et de destins qui se croisent. Ces « enfants », sans cesse en mouvement, s’envolent, tourbillonnent de l’intérieur, s’éloignent de la réalité pour y revenir changé.es. Passant par des états de tristesse, de douleur, de perte de sens, les personnages du roman s’arment de patience et de confiance pour avancer. Et quand la vie s’en va, qu’elle les quitte momentanément ou définitivement, alors ne restent que les hélices pour leur permettre de continuer à cheminer.
Comme trop simple pour être vrai
J’ai mis trois semaines à terminer ce tout petit livre. Moins de deux cents pages que je lis normalement en une soirée. Trois semaines, parce que les mots de Noémie Moulin sont d’une pureté inouïe et qu’ils charrient des émotions intenses. Il est 7 h du matin, après une nuit à chasser le sommeil, j’ai abdiqué. Et pour attendre que le soleil se lève, j’ai plongé dans les quelques pages qu’il me restait. Le sommeil n’est jamais venu, le jour oui, et les sanglots avec lui. Parce que Les enfants à hélice est un jardin d’émotions, de bouleversements, de délicatesses et de sagesses.
Autour de trois personnages, Noémie Moulin embrasse toute l’humanité. Il n’y a rien d’exceptionnel dans ces vies et pourtant elles sont pleinement vécues, précieuses et riches. Noémie parle de nous, de nos peurs et nos bonheurs, de nos terreurs et nos joies, de nos amours et nos faiblesses. Ses mots sont si puissants, si limpides, si harmonieux qu’ils vous bercent. Ils tricotent un pull dans lequel ces trois destins s’enlacent et viennent se réchauffer. Les enfants à hélice est un livre qui se savoure, parce qu’il a le gout de l’innocence. De celle qu’on possède, enfant, et de celle qu’on retrouve, adulte, quand enfin, on s’autorise à être simplement heureux…
« … Maintenant, sous la guirlande de papier blanc, sur leur danse mal équilibrée, de leurs pas intimidés, Mado et Léo échangent leur première promesse intime. Celle d’essayer. D’être auprès de l’autre et de faire face, côte à côte, de s’accompagner, de se suivre, de danser. »
« … Je lui prends la tasse des mains et la porte à ma bouche, puis renonce. J’ai des mots au bord des lèvres et ne veux pas les diluer ni les ravaler
-Je ne vais jamais assez loin, je dis en m’asseyant sur ses genoux. Quand je marche, le chemin me ramène toujours ici. C’est une boucle, tu comprends? Et j’ai besoin de sortir de la boucle.
Ali me regarde, à jamais patient.
-Tu veux sortir de la boucle? répète-t-il.
Je crois d’abord qu’il ne comprend pas ce que j’essaye de lui dire. Une lueur passe par ses yeux et je la prends pour le reflet de la folie qui m’inonde. Il me pousse légèrement pour me faire glisser de ses genoux, comme on chasse un chat un peu trop collant quand on a fini de le câliner. Il veut se détacher de moi et c’est toute ma fragilité qui va m’exploser dans la gorge. Je la retiens, la repousse vers le bas avec le peu de force qu’il me reste; presque toute mon attention est dans mes genoux pour les empêcher de trembler.
La main d’Ali passe derrière ma nuque et frotte mes cheveux.
-Tu veux sortir de la boucle? J’en sortirai avec toi.
« … Il retient ses larmes du mieux qu’il peut, mais elles se pressent au bord de ses yeux et menacent de jaillir d’un coup. Il pose son front entre ses genoux et en laisse échapper quelques-unes. A peine elle touchent le sol, Mali se sent soulagé. Ce matin, il a déjà retenu beaucoup de choses en lui: ses mots, parce que personne ne les comprends, ses questions, parce que personne n’y répond, son souffle, par peur de faire quelque chose de faux. Alors, ses larmes, peut-être qu’il vaut mieux les laisser sortir, à l’abri des regards, la tête cachée entre ses jambes. »
J’ai compris que tout ce qui compte dans la vie…
Achetez ce livre et offrez-vous une parenthèse, un moment de calme et de délicatesse en compagnie des enfants à hélice. Mieux que n’importe quel manuel de développement personnel, aussi efficace qu’une séance de thérapie, tout aussi agréable qu’une sieste au soleil pour revenir à l’essentiel : être vivant et en être heureux.
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