Il y a tout pile un an, une grande dame s’en est allée : Maître Gisèle Halimi 93 ans…
Il y a deux choses positives quant à son décès : elle est passée devant Gisèle Bündchen dans les résultats Google et les gens se sont à nouveaux intéressé à ses livres…
Hasard du calendrier, une autobiographie « Une farouche liberté » devait paraitre aux Éditions Grasset à peine un mois après sa mort et si « La cause des femmes » était toujours disponible en poche, les ventes se sont envolées. La collection Blanche proposait toujours « le lait de l’oranger » mais Gallimard vient de le rééditer dans la curieuse collection Imaginaire. J’aimerais vous présenter ces trois œuvres, parfaites pour découvrir cette grande dame.
Dans ce récit autobiographique, Gisèle Halimi écrit à son père tant aimé pour lui dire « ce qui n’a pas été dit » . Tout commence en Tunisie au pied de l’oranger. Tous les matins, la petite fille se cache pour jeter son café au lait dans les racines de l’arbre. Gisèle Halimi revient sur son enfance rebelle et ses combats précoces contre les stéréotypes de genre véhiculés par la religion et l’école. Une enfant de huit ans qui engage le combat contre l’institutrice qui la traite de « sale Juive » ou de « sale bicote ». Une écolière qui ne se soumet pas au culte rendu à Pétain dans les écoles, du temps de Vichy. Une adolescente qui se révolte contre le Dieu des Juifs, parce qu’il n’accorde pas leur place aux femmes.
La haine de l’injustice chevillée au corps, Gisèle Halimi devient l’avocate la plus célèbre du XX siècle. Une jeune avocate qui refuse de prêter le serment traditionnel, parce qu’elle le juge trop servile… Parcours d’une rebelle, qui permet de retrouver les moments forts d’une vie marquée par des combats difficiles, voire dangereux. Défense des militants du F. L. N. pendant la guerre d’Algérie, ce qui lui vaut d’être arrêtée par les militaires putschistes. Procès de Bobigny sur l’avortement, cause des femmes, Gisèle Halimi ébauche ici une nouvelle réflexion sur le féminisme, née de la tendresse et des contradictions d’une « jeune mère indigne » à l’épreuve d' »un couple impossible ».
Actrice et témoin de notre époque, elle a secoué l’Histoire par des combats difficiles qui résonnent encore fortement aujourd’hui. De la guerre d’Algérie à la reconnaissance du viol comme crime, en passant par le procès de Bobigny et la bataille pour la légalisation de l’avortement. Bien des hommes et des femmes célèbres traversent cette histoire passionnée. Coty, de Gaulle, Giscard, Mitterrand, Chirac, Simone Veil, Bourguiba ou encore Camus, Sartre, Simone de Beauvoir… Peints souvent avec amitié, quoique toujours sans complaisance et parfois d’une plume acérée.
Le lait de l’oranger est l’un de ses livres les plus personnels et les plus émouvants où elle retrace son parcours hors du commun.
Le féminisme, c’est quoi ? Ça existe ? Aujourd’hui ça pourrait exister.
Et pour quoi faire ? « Les femmes ont tout obtenu », répondent-ils, et même répondent-elles, quelquefois.
Et pour quels résultats ? La solitude de fond de la féminité, et la déroute de nos mâles devant leurs égales. « La super woman » est épuisée. Quant au commun des hommes, sans le « miroir grossissant » que présentait, à ses exploits masculins, sa compagne d’antan, il se sent réduit de moitié.
Donc grandeur nature…
Enfermée dans son rôle féminin, la femme ne mesure pas à quel point son oppresseur est lui-même prisonnier de son rôle viril.
En se libérant, elle aide à la libération de l’homme.
En participant à égalité à l’Histoire, elle la fait autre.
Cela ressemble fort à une révolution tranquille, mais forte et sûre de l’avenir.
Pourquoi le féminisme aujourd’hui ? Justement pour réussir là où l’égalité économique a échoué. Là où la culture patriarcale résiste. Le féminisme vient seulement de commencer sa longue marche. Dans vingt ans, dans cent ans, il aura changé la vie.
C’était en 1973 que paraissait ce plaidoyer. Réactualisé en 1992, les questions qu’il pose n’ont pas vraiment évoluées. Et le lire aujourd’hui semble urgent tant les réponses attendues n’ont toujours pas été formulées….
70 ans de combats. 70 ans de passion et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et toujours, la volonté de transmettre aux nouvelles générations le flambeau de la révolte.
Parce que l’égalité entre hommes et femmes est loin d’être acquise.
Et parce que naître femme reste une malédiction dans la plupart des pays du monde.
Avec son amie Annick Cojean, l’avocate la plus célèbre de France revient sur les épisodes marquants de son parcours rebelle. Son enfance en Tunisie dans une famille juive modeste ; son refus d’un destin assigné par son genre et son rêve ardent de devenir avocate ; sa défense indéfectible des militants des indépendances tunisienne et algérienne soumis à la torture ; son association, » Choisir la cause des femmes » ; et bien sûr ses grands combats pour l’avortement, la répression du viol, la parité.
Sans se poser en modèle, l’avocate qui a toujours défendu son autonomie, enjoint aux femmes de ne pas baisser la garde, de rester solidaires et vigilantes, et les invite à prendre le relai dans le combat essentiel pour l’égalité à l’heure où, malgré les mouvements de fond qui bouleversent la société, la cause des femmes reste infiniment fragile.
Femme politique insubordonnée mais aussi fille, mère, grand-mère, amoureuse… Gisèle Halimi vibre d’une énergie passionnée, d’une volonté d’exercer pleinement la liberté qui résonne à chaque étape de son existence.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » : ces mots de René Char, son poète préféré, pourraient définir Gisèle Halimi, cette « avocate irrespectueuse », et sa vie de combats acharnés pour la justice et l’égalité.
La dernière grande héroïne féministe aura vécu une vie de pionnière, insoumise et passionnée. D’une farouche liberté.
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