Les virus dans la littérature
L’après…
Guides de survie, paraboles, dystopies, ces romans ont un grand pouvoir. Celui de donner des clefs, dans un monde où plus rien n’est pareil, où tous repères ont été balayés et qui n’offre plus qu’une chose : l’inconnu…
Après mon article sur les grands classiques de la littérature, celui sur les romans de notre époque, je conclu ma trilogie virale par les porteurs d’espoir (ou pas) ces auteurs qui ont fait le choix d’écrire sur l’après, quand l’effondrement a eu lieu et qu’il faut réinventer l’Humanité.
Commençons par le plus utile : Max Brooks. Il est l’auteur du célèbrissime World War Z! Avant d’écrire cette référence de la culture Zombie, il rédigeait Le Guide de survie en territoire zombie. LE manuel parfait qui vous apprend comment survire en territoire occupé, décrit vos ennemis, leurs comportements et leurs modes de contagion, leur psychologie et les différentes réactions à avoir en cas de contamination. Vous apprenez aussi des techniques de combats, de fuites et à choisir vos armes. Max Brooks vous donne les bonnes astuces pour sécuriser votre abris, analyse les points forts des bâtiments de même qu’une étude du terrain et de vos déplacements puisque la chasse et le nettoyage sont vitaux pour vous à présent. Un ouvrage nécessaire et pince-sans-rire qui moque gentiment les survivalistes mais propose des solutions originales !
Dans un autre style mais tout autant utile, on ne peut passer à côté de Sa majesté des mouchesde William Golding. Je crois bien que c’est ce livre qui, enfant, m’a donné le virus de la lecture. S’il ne raconte pas une pandémie ni un monde dévasté par quelques maladies ou catastrophes, Sa majesté des mouches dépeint la fin d’un monde connu. Après un naufrage, une bande de garçons se retrouve complètement seuls sur une île déserte luxuriante, abondante en végétation et vie sauvage. Une île presque paradisiaque dont les adultes rêvent souvent. Si l’aventure commence comme des vacances merveilleuses pour ces enfants, de baignades en orgies de fruits, d’excursions en jeux de plein air, il va pourtant falloir s’organiser pour survivre. On élit donc un chef, qui lui se construit une cour. Ralph est devenu le chef parce qu’il est le premier à avoir pensé « survie » mais les priorités ne semblent pas être les mêmes pour tous. Ainsi le groupe se divise. Toujours ensemble mais tiraillés entre deux clans : celui de Ralph et celui de Jack. Cette division provoque un schéma humain ancestrale et la puissance narrative de Golding s’épanouit là dedans. S’ensuivent des comportements qui boudent peu à peu la civilisation et à travers lesquels les rituels immémoriaux se disputent à une sauvagerie d’une violence sans limite. Nous plongeons, la boule au ventre, dans la terrifiante évolution de ces clans, de l’abandon de la solidarité pour des choix qui semblent plus bestiaux qu’humain. Et pourtant… Ces comportements nous renvoient à notre humanité, à ce dont on est capable et on le sait, tout au fond de nous que sommes capables du pire….
L’auteur souligne avec brio que l’homme est foncièrement mauvais. Le monde est porteur d’une cruauté sans faille dans laquelle chacun se fourvoie et finit par périr.
Ici vous le trouvez en roman jeunesse dès 9ans
Je suis une légende de Richard Matheson est un autre livre qui a bien marqué ma jeunesse. C’est également un ouvrage parfait pour se représenter ce que peut être un monde après une catastrophe.
Chaque jour, Neville doit organiser son existence solitaire dans une cité à l’abandon, vidée de ses habitants par une étrange épidémie. Un virus incurable a transformé l’Homme en monstruosité… Chaque nuit, ils le traquent jusqu’aux portes de sa demeure. Chaque nuit il doit combattre une horde aux visages familiers de ses anciens voisins ou de sa propre femme. Chaque nuit est un cauchemar pour le dernier homme, l’ultime survivant d’une espèce désormais légendaire.
Sa survie, sa solitude, son confinement, tout est décrit avec justesse et intelligence. Le fléau, les morts, les vivants, les souvenirs, on apprend le déroulement de la catastrophe au fil des pensées de Neville et de ses découvertes. On en vient à se poser cette question : Ferions-nous pareil que lui ? Insidieusement, la réponse s’impose : oui…
La nuit, il survit, littéralement.
Le jour, il traque, il extermine et surtout, il garde espoir. Impossible d’admettre qu’il est le dernier, il se raccroche à l’idée qu’ailleurs se trouvent d’autres survivants.
Un roman terrible, oppressant et magistralement exécuté. La solitude, et la folie qu’elle peut engendrer, est palpable. Elle semble même gagner le lecteur au fil des pages. Les études de Neville sur ses adversaires sont tantôt ubuesques, tantôt scientifiques et elles nous exposent une vérité : l’ennemi est lui aussi un être vivant avec toute la complexité que cela inclue…
Qui est plus monstrueux ? Les hordes qui attaquent en pleine nuit pour survivre grâce à votre sang? Neville qui chasse en pleine lumière pour survivre en les exterminant ?
Si vous êtes le dernier représentant d’une espèce, cela ne fait-il pas de vous une anomalie ?
Richard Matheson, en plus d’offrir un roman haletant, puissant et inoubliable, nous propose une réflexion ambivalente et une introspection particulière sur nos motivations et notre légitimité…
Je vous glisse encore deux conseils : le premier est de ne surtout pas voir le film adapté (celui avec Will Smith oui) parce que c’est une pâle copie, un film à la morale américaine dans lequel justement se perd tout le sens du roman ! Et le deuxième, c’est de ne pas vous arrêtez au terme de Vampire utilisé pour décrire les monstres. Ce n’est pas un roman de vampires, non. C’est même un ouvrage qui bouscule tous les codes du genre !
Moins putride mais bien plus glaçant, le dernier homme de Margaret Atwood. C’était mon premier rendez-vous avec l’autrice, bien avant ma terrible rencontre avec La Femme comestible ou le superbe Servante écarlate. Ici donc, Margaret Atwood dépeint un univers à la fois familier et terrifiant. Un monde dévasté à la suite d’une catastrophe écologique sans précédent, où se combinent des conditions climatiques aberrantes, des manipulations génétiques délirantes et un virus foudroyant prompt à détruire l’ensemble de l’humanité. D’ailleurs, c’est presque fait. Dès le début du roman, d’êtres humains, il ne reste que Snowman. Il erre sur cette terre méconnaissable et se souvient… De sa jeunesse, d’un autre temps, et on comprend comment le monde est redevenu sauvage. A présent, une nouvelle race d’hommes foule la terre, les Crakers : complètement hermétiques à la violence, ils ne ressentent plus rien, ni désir, ni émotions, tout les indiffère même le fanatisme religieux. L’art n’a plus sa place, la morale encore moins, seule règne la Science.
Margaret Atwood est riche de deux choses : une imagination proche de la folie et une plume d’une rare beauté ! Ici elle vous embarque corps et âmes dans un récit hallucinant tant pas ses détails que par son message. Elle pose les jalons d’une trilogie glaciale Le dernier homme – Le temps du déluge – MaddAddam – et je vous mets au défi de ne pas y adhérer.
Prenons La route avec Cormac McCarthy
L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie. Ils veulent rejoindre la mer, et le temps plus clément pour survivre. Mais sur la route, il y a d’autres survivants. Qui s’épient, se guettent, s’attaquent, se mangent…
On dit de l’auteur qu’il est hanté par la violence des hommes et la question du Mal. Je crois que cela suffit a résumer ce bijou qu’est La route… Mais j’y ajoute que c’est un roman aux émotions intenses et profondes. L’énergie que met ce père à élever, malgré tout, son fils dans des conditions hallucinantes est bouleversante. Comme c’est difficile de discerner le bien du mal, de croire en l’avenir, que la vie mérite d’être vécue…
Je n’ai pas encore vu l’adaptation cinématographique de La route (pourtant il y a Vigo…) je n’ose pas. Peur d’être déçue, bien sûr, mais aussi peur d’être bouleversée encore plus profondément par les images que je ne l’ai été par les mots..
Continuons dans l’univers d’Emily St John Mandel
Dans un monde où la civilisation s’est effondrée, une troupe itinérante d’acteurs et de musiciens parcourt la région du lac Michigan et tente de préserver l’espoir en jouant du Shakespeare et du Beethoven. Centré sur la pandémie mais s’étendant sur plusieurs décennies avant et après, Station Eleven entrelace les destinées de plusieurs personnages dont les existences ont été liées à celle d’un acteur: Arthur Leander qui s’effondre sur scène en interprétant Le Roi Lear. C’était la veille du cataclysme, depuis 99% de la population a disparue. Sur scène ce jour là, se trouvait aussi Kristen, une petite fille. On l’a retrouve 20 ans plus tard dans cette troupe d’artistes. La Symphonie itinérante tente de survivre, comme les autres. Elle s’accroche à l’art…
Ceux qui ont connu l’ancien monde l’évoquent avec nostalgie, alors que la nouvelle génération peine à se le représenter.
Un roman onirique, ni triste ni catastrophique et pourtant douloureusement poétique. En faisant disparaître l’être humain de la Terre, l’autrice souligne à quel point il est essentiel de prendre soin de l’Humanité qui est en chacun de nous…
Il est temps de se réfugier dans la Forêt de Jean Hegland
Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Partout, les gens fuient. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, Nell et Eva demeurent seules, bien décidées à survivre dans la maison familiale, au cœur de la forêt. Face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la nature qui les entoure.
Un roman réaliste, qui place la fin d’un monde face à ses responsabilités. Sa force est sa simplicité. Quand le monde s’arrête, qu’on est seul, on survit avec le peu d’information que l’on a. On réapprend, on s’adapte, on attend… Nell et Eva entame un long chemin, à travers elles. Un voyage où l’on remet en question nos besoins, qu’on croyait essentiels et qui sublime nos instincts qui reviennent doucement. Nell tient un petit carnet et l’on peut suivre leur combat quotidien. La foret est le troisième personnage de ce huis-clos. Menaçante mais vitale, généreuse mais impitoyable, séduisante mais effrayante… La foret se mérite et les deux sœurs vont devoir l’explorer, la choyer et l’aimer…
Fable écologique ou roman initiatique ? Un livre à la beauté rare…
Jordane vous parle de l’adaptation BD
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