Les Éditions du Tripode publient peu mais décèlent toujours des perles littéraires. Leur travail d’orpailleur avait déjà mis en lumière Mathieu Belezi avec Attaquer la terre et le soleil, un roman fulgurant qui dit la folie et l’enfer de la colonisation dans une écriture magistrale. Personnellement j’ai rencontré l’auteur par Le pas suspendu de la révolte et j’en garde encore un souvenir cuisant de violence et d’émotions exacerbées.
Le Tripode réédite Mathieu Belezi et ce tout petit roman, son premier, Le Petit roi, déjà publié une première fois en 1998.
Le Petit roi est un roman qui fait mal parce qu’il dit la violence de l’enfance. Parce que nous ne sommes pas enclin à l’accepter, parce que nous chérissons l’idée que l’enfance est pure, innocente et porteuse d’espoir. Mathieu Belezi n’a que faire de nos illusions et c’est ainsi qui livre une parole âpre et violente à la beauté tragique et d’une finesse incroyable.
Le petit Mathieu est confié par sa mère à son Papé, vieux paysan de Provence. Elle s’en va, elle l’abandonne. Si ce grand-père deviendra un refuge et un guide pour comprendre la campagne, allégorie de la vie, cela ne peut suffire à guérir le vide béant et dévastateur qu’a crée cet abandon. Ce vide est trop grand, trop absurde pour un enfant. Alors le petit Mathieu le remplit par de la rage et de la fureur qui déborderont de tout côté. Le lecteur vacille avec cet enfant, entre douleur et fuite dans le silence apaisant de la nature, entre chagrin et tendresse de l’aïeul, entre la vie et la mort qui investissent le cœur de ce trop petit garçon.
L’auteur est tailleur de pierre; il façonne la matière brute à grand coup de burin qui vous heurte aussi violemment qu’éclate la roche. De ces brisures jaillissent des étincelles éblouissantes, certaines vous crèveront les yeux, d’autres iront se loger en votre cœur pour l’éternité. C’est un roman minéral, froid comme la pierre et dur comme la vie, un roman ciselé et pudique qui détient pourtant une poésie incroyable. Parce que l’auteur est également dentellière. Il tisse un monde fait de lueur fragile, d’aube paisible et de délicatesse miraculeuse. Il entrelace soigneusement son fil pour inventer des motifs élégants et élabore un ouvrage vertigineux.
Le petit roi est le cri d’un enfant. L’énoncé d’une violence insoutenable et d’une colère incommensurable que la plume prodigieuse de Mathieu Belezi tente d’apaiser par la délicatesse de la Nature, par l’empathie d’un grand-père et par l’espoir que le temps guérit tout… Une lecture âpre et vibrante qui suscite émotion et stupeur!
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