Joan de Leeds, nonne bénédictine libre
Dans l’Angleterre du XIVe siècle, une jeune nonne du nom de Joan de Leeds défie l’autorité religieuse et les conventions sociales en orchestrant une évasion spectaculaire de l’abbaye de Saint-Clément. Au Moyen-âge les femmes ont peu d’emprise quant à leur destinée. Fille de ou femme de. Les parents de Joan décède alors qu’elle n’est qu’une enfant, de fait, elle rentrera au couvant. Cloîtrée dès son plus jeune âge, Joan aspire à une vie au-delà des murs du couvent, elle veut apprendre, comprendre le Monde.
Pour Joan, le Paradis et l’Enfer ne sont pas deux versions de l’au-delà, mais deux questions posées ici et maintenant. Il ne faut pas attendre la mort avant de savoir de quoi il retourne.
La seule façon de rompre ses vœux est de mourir, alors elle prend une décision audacieuse qui défie les normes sociales et religieuses de son époque: simuler sa mort. Débute alors l’incroyable quête de Joan, qui la mènera jusqu’à Londres, à la découverte de ce que les saintes écritures lui avaient caché : le plaisir, la connaissance et la liberté.
Roman historique inspiré de faits réels
C’est à Sarah Rees Jones, historienne britannique, professeur émérite d’histoire médiévale que l’on doit la découverte de Joan de Leeds grâce à un marginalium de l’archevêque d’York. Selon la note liturgique, Joan prétendit être gravement malade, créa un mannequin à la ressemblance de son corps et simula sa mort, aidée par plusieurs autres moniales. Après les funérailles, elle s’est échappée de l’abbaye et est allée poursuivre le chemin de la luxure charnelle, selon les propres mots de l’archevêque. On ne sait pas si Joan est revenue à l’abbaye ou si l’archevêque a pris d’autres mesures pour la localiser et la forcer à revenir. Partant de ce fait, Paul Thurin propose un premier roman réussi.
Joan grandit sous le regard de Dieu et de l’Abbesse, autorité suprême de son cloitre… A toutes ses questions d’enfant curieuse, on lui répond « tu comprendras plus tard ». Elle grandit, devient jeune fille, puis femme et ses questions restent sans réponse. Alors Joan se demande quand est-ce « plus tard »? Joan de Leeds se serait très bien entendue avec Henry David Thoreau: Je voulais vivre intensément et sucer la moelle de la vie. Et ne pas, quand je viendrai à mourir, découvrir que je n’aurai pas vécu.
Si l’Histoire nous raconte la vie moniale et l’évasion maline de Joan, l’auteur donne libre cour à son imagination pour la suite. Paul Thurin lui offre un corps et une voix et nous permet ainsi d’imaginer ce que Joan a pu vivre une fois libérée du couvent. La vie qu’elle a choisie: riche, passionnante et pleine de surprises.
Il propose une critique de la religion punitive, sans âme, sévère et rigide, tout le contraire des rêves de la jeune nonne. Avec humour et beaucoup d’ironie, il nous faire réfléchir sur ces questions et propose des personnages entiers et fouillés. De l’abbesse au cousin John, de la Pourvoyeuse au nain manchot, la vie de Joan serait telle qu’elle la voulait; colorée et vivante!
L’histoire de Joan de Leeds résonne comme un écho des luttes féminines à travers les siècles. Très souvent « placées au couvant » signifiait internées. Très souvent, contre son grès… La découverte de Joan de Leeds par l’historienne a lancé un mouvement de recherches sur ces faits et mis en lumière bon nombre de « fugues ». Le contexte historique, marqué par un fort contrôle ecclésiastique, étouffait littéralement les femmes. En choisissant sa liberté, Joan montre que, parfois, la quête de liberté passe par des actions audacieuses. Cette bravoure inspire car elle révèle que les femmes peuvent changer le cours de leur existence, quelles que soient les circonstances.
S’enfuir a été un premier pas dans son existence. Il a été si facile de tourner le dos à tout ce que l’on refuse. Mais choisir où aller, voilà qui est plus dur.
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