Avec Le Cœur battant de nos mères, je vous propose de partir à la découverte de Brit Bennett. Une jeune auteure de 27 ans, prometteuse, puisqu’avec la publication de ce premier roman, la presse américaine la compare déjà à Chimamanda Ngozi Adichie. Une comparaison flatteuse, révélatrice de son talent d’écriture, de sa capacité à entrer en empathie avec ses personnages et de traiter de façon subtile et nuancée de sujets graves. Et quand on lui demande ses influences, Brit Bennett cite Toni Morrison, James Baldwin ou encore Alice Walker.
Voici l’histoire de Nadia Turner. Elle grandit dans une communauté noire pratiquante. Alors le jour où elle tombe accidentellement enceinte, elle sait qu’elle ne peut compter que sur elle-même. Car sa décision, prise en toute liberté, est claire et irrévocable : à seulement 17 ans, elle ne se sent pas prête à être mère et ne peut le garder. Elle ne peut en parler à son père, un ancien marine, un taiseux, souffrant comme elle du suicide de sa femme, la mère de Nadia. Il ne comprendrait pas. Il ne faudrait surtout pas que des membres du Cénacle, la communauté religieuse, soient au courant. Ils ne comprendraient pas. Elle hésite à en parler à Luke, le « père ». Elle se décide, voyant en lui son seul soutien après leur nuit passée ensemble. Il semble ne pas comprendre la gravité de la situation.
Brit Bennett
Tout au long du roman, Brit Bennett traite la question de l’avortement de façon subtile. Un sujet qui est un vrai tabou dans certaines communautés religieuses. Elle choisit un mode de narration parfaitement adapté. Elle matérialise en quelque sorte ce tabou en alternant l’histoire de Nadia et la voix d’un membre du Cénacle qui rend compte des jugements que les membres de la communauté religieuse portent sur la vie de chacun. Ces deux récits semblent ne jamais pouvoir fusionner tant l’état d’esprit de Nadia, libre de disposer de son corps, ne peut coïncider avec un Cénacle qui, 10 ans plus tôt, manifestait devant la clinique d’avortement où elle s’est rendue pour réclamer sa fermeture !
Toujours en empathie avec Nadia, refusant tout jugement en mettant en avant la liberté de choix, la liberté de disposer de son corps, par opposition à la communauté religieuse, Brit Bennett est parfois plus frontale afin de mieux montrer la brutalité de certaines réactions. En témoigne les propos de la mère de Luke lorsqu’elle apprend que son amie Nadia est enceinte de lui. « Toi qui as été élevé selon l’évangile, à qui nous avons parlé de la vie du pêcheur, voilà que tu fais une chose aussi stupide ! »
Alors quand Nadia, à la fin de l’été, décide de partir étudier loin de chez elle, loin des jugements, dans le Michigan, on espère que cela lui permettra de s’épanouir. Mais là encore, Brit Bennett ne choisit pas la facilité mais la réalité. Et c’est quand elle parle du racisme sournois auquel Nadia est confronté que l’on comprend toute la pertinence de la comparaison avec l’auteure Adichie, qui traite aussi parfaitement la question dans son roman Americanah.
Le Cœur battant de nos mères, sélectionné au National Book Award et au Prix Femina 2017, a le mérite d’aborder un sujet difficile, l’avortement, qui n’est pas souvent traité dans les romans aujourd’hui. Un livre nécessaire à l’heure où les Etats-Unis promulguent des lois qui ont engendré la fermeture de plus de 70 cliniques pratiquant l’avortement dans le pays depuis 2010 (Source : Madmoizelle).
Belles lectures
Sandrine
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