Je vous parlais dernièrement du Sud, avec le fabuleux roman de Barbara Kingsolver. S’il faut lire l’autrice ou encore David Joy et Ron Rash pour toucher du doigt ce Sud des Etats-Unis, il faut aussi plonger dans les romans noirs de Shawn Cosby. C’est brutal, violent et impitoyable mais c’est également d’une tendresse folle, d’une finesse d’analyse incroyable et d’une impressionnante justesse dans les émotions.
A l’instar des auteurs et autrices cités plus haut, Cosby est né et à grandi en Virginie; l’Etat sudiste, ils le connaissent par cœur. Mais la grande différence de Cosby c’est qu’il est noir. Et cette couleur change radicalement votre vie dans ce coin des USA. Si la couleur de peau n’est pas le sujet central des polars de Cosby, c’est un élément supplémentaire dans les analyses sociologiques qu’il déploie dans ses livres. Parce que l’auteur nous dépeint le Sud avec une finesse incroyable!
Des villages de caravanes, aux villes pauvres tenues à bout de bras par une classe moyenne étranglée de dettes et de rêves brisés, la misère est plus dure, la solitude plus froide et l’injustice plus cruelle selon sa couleur de peau.
Cosby a un talent pour raconter la colère; il la raconte si bien qu’elle soulève votre cœur comme une maladie contagieuse! Son style ultra visuel, habile et efficace, vous plonge littéralement dans ses pages pour un tourbillon d’émotions, de rage, de suspens et de révolte! Mais Cosby sait aussi raconter la fierté des petites gens, l’amour et la tendresse pour les habitants du Sud; leur solidarité dans la misère et il balaye en quelques phrases cinglantes les préjugés crasses sur les ploucs des États-Unis!
Père de famille et mari aimant, Beauregard Montage veut mettre derrière lui ses années de prison, son passé de chauffeur pour les petites frappes locales, et offrir aux siens la stabilité qu’il n’a jamais connue. Mais à Red Hill, petite ville rurale du sud-est de la Virginie aux tensions communautaires exacerbées, la vie d’un Afro-Américain ressemble encore souvent à un couteau planté sous la gorge. Et quand la pression financière se fait trop forte, Beau n’a plus le choix : il doit reprendre du service. Le coup semble gagné d’avance : un braquage dans une petite bijouterie, une fuite sur les chapeaux de roue, une piste intraçable. Sauf que le casse tourne mal. Et que la bijouterie en question appartient à un caïd du coin, prêt à tout pour se venger. Pour Beau, le compte à rebours est lancé.
Avec ce premier livre nerveux et racé, S. A. Cosby fait une entrée fracassante sur la scène du thriller. Roman d’asphalte, de bruit et de fureur, Les Routes oubliées est aussi un état des lieux de l’Amérique rurale, où racisme, pauvreté et délinquance restent aujourd’hui encore un horizon indépassable.
Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose. Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre. Alors, quand Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, une colère viscérale, qui réclame un exutoire.
A travers un thriller palpitant superbement incarné par deux hommes en quête de rédemption, S. A. Cosby dresse un état des lieux sans concession des marges de l’Amérique. Un roman de vengeance, de masculinité toxique et de rage!
Le Sud n’a pas changé. Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon County, la terre de son enfance. Mais pour la communauté qu’il a juré de servir, la ligne Mason-Dixon existe toujours bel et bien, et Charon County est au sud de celle-ci. Si l’élection de Titus a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs, qui ne supportent pas de le voir endosser l’uniforme, et la défiance des Noirs, qui le croient à la solde de l’oppresseur. Bravant les critiques, il tente de faire régner la loi dans un comté rural frappé par la crise des opioïdes et les tensions raciales. Jusqu’au jour où Lattrel, un jeune Noir, tire sur M. Spearman, le prof préféré du lycée, avant de se faire abattre par la police.
Fanatisme terroriste, crient les uns. Enième bavure policière, ripostent les autres. A mesure que les dissensions s’exacerbent, Titus est lancé dans une course contre la montre pour découvrir la vérité.
Un troisième roman noir qui vient confirmer le talent de Cosby pour les intrigues denses et sous pression, les personnages déchirés et un regard remarquablement lucide sur l’Amérique et les dépossédés qu’elle coule dans son sillage.
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