Une fois n’est pas coutume comme dirait mes amis belge mais me voilà à déborder sur une autre catégorie que la bande dessinée; La littérature.
Je vous rassure je n’ai aucunement envie de remplacer mon excellente collègue Alice. Non, c’est juste le temps d’interviewer deux auteurs que j’apprécie particulièrement pour leurs œuvres et leurs personnalités. En plus, ils vont être en dédicace à la Fnac de Lausanne le samedi 8 Décembre à partir de 14 heures!
Adjaï aux mille visages d’Aquilegia Nox chez Evidence edition
De sang et de froid de Fabrice Pittet chez Fantasy-Editions
Bonjour, pouvez-vous vous présenter brièvement pour nos lecteurs du blog ?
Bonjour, je m’appelle Aquilegia Nox. Dans la vraie vie, je suis biologiste, mais le soir, quand toutes les activités de la journée sont terminées, je deviens autrice de nouvelles et romans, dans les genres de la fantasy, mais aussi de la science-fiction. Tous les écrits dont je n’ai pas cédé les droits à un éditeur sont disponibles sous licence créative commons sur le site atramenta.net. Vous pouvez aller les lire gratuitement, les partager, parfois les modifier si ça vous amuse (il faut juste respecter les termes de la licence indiquée sur chaque texte). Nous sommes tous créateurs, et j’aime partager!
Né dans un joli coin de la Suisse durant l’été 1977, j’ai empoché il y a quelques années mon diplôme universitaire de biologie. Après un passage dans le privé, je suis dorénavant enseignant en sciences naturelles et en maths dans des classes en fin de scolarité obligatoire. Côté famille, j’ai la chance d’avoir la meilleure des compagnes ainsi qu’un petit diablotin de 7 ans. Depuis toujours, je subis avec joie la passion dévorante de l’imaginaire. Une passion que je vis surtout à travers le cinéma et la littérature, et dans une moindre mesure à travers les jeux vidéo.
Malgré le succès de série comme Game of Thrones ou Harry Potter, la Fantasy est un genre qui a du mal encore à s’imposer en tant que littérature en Suisse, comment la décririez-vous face à un détracteur ?
La Fantasy est un genre dédié à tous ceux qui aiment s’évader, mais pas forcément par-delà les étoiles qui scintillent là-haut, dans le ciel. On transpose des éléments liés à notre quotidien dans un autre monde, un univers que l’on construit en y ajoutant des touches personnelles d’imaginaire. On complète le « réel » par du « merveilleux », en s’appuyant parfois sur certains codes liés aux mythes de toujours. En bref, j’aime dire que la Fantasy est un savant mélange de réel et d’invention, que le lecteur doit accepter comme étant une nouvelle « vérité ». Une vérité avec de la magie, des monstres, des guerriers de trois mètres de haut et des cités de cristal… Oui, car au final, ce qui compte, c’est que le lecteur y croit, qu’il se laisse emporter là où l’auteur veut l’emmener. C’est un fabuleux voyage sans escale, et sans titre de transport. Pas mal, non ?
Je crois que la Suisse, et plus particulièrement une partie de son lectorat, reste engoncé dans un vieux carcan de « bonne » littérature. Un auteur qui décrit des batailles grandioses entre des elfes et des orcs peut détenir tout autant de savoir-faire qu’un lettré lambda, lorsqu’il s’agit de passer à l’acte d’écriture. Et ce n’est pas parce qu’on décide de pondre une scène de magie furieuse dans une citadelle en os humains, qu’on fait quelque chose de moins palpitant qu’un auteur décrivant la vie d’une femme amourachée de son cousin Hector de la Rochefoucauld. Je suis volontairement taquin, pour le coup. Pardon, mille fois. Mais je crois qu’on doit juger une œuvre dans son ensemble. Et franchement, sur le fond et la forme, (et comme dans tous les genres), on retrouve dans la Fantasy des éléments fabuleusement captivants et dignes d’intérêt.
Les genres de l’imaginaire (SF, fantasy, fantastique) existe depuis que les humains imaginent et se racontent des histoires. Sortir des contraintes du réel permet d’explorer des questions anciennes sous des angles inédits, s’interroger d’une autre manière. Par exemple, quand Harry Potter s’insurge de la volonté de domination de certains sorciers sur les moldus, ce sont le racisme et ses conséquences qu’il explore. En abordant de vieux problèmes d’une manière nouvelle, ça permet de les rendre accessibles différemment, ou… d’imaginer de nouvelles solutions. Et puis on peut aussi aimer la fantasy pour l’évasion qu’elle procure…
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ?
Houlà, bonne question. J’ai commencé gamine, j’écrivais des histoires qui restaient inachevées. J’avais envie d’inventer mes propres récits et j’ai eu à un moment la vanité de penser qu’elles puissent intéresser d’autres personnes… De bons retours, ensuite, sur les premières histoires que j’ai réussi à terminer, m’ont motivée à continuer à partager mes élucubrations.
Après des années de consommation, après des milliers de films, de jeux, de comics, de livres et de nouvelles, j’ai eu envie de créer. Je me suis essayé au dessin, mais je n’ai pas rencontré de satisfaction concluante dans cet exercice. Le papier, le crayon et ma désastreuse gestion des perspectives me limitaient. Beaucoup trop pour que je m’émancipe. Enfin, après quelques années d’approche où j’écrivais de petits trucs juste pour moi, je me suis lancé dans la rédaction d’une saga en 4 tomes. L’écriture me permettait de raconter mes histoires, celles qui prenaient vie dans ma tête, sans autre limite que ma faculté à agencer les mots sur le papier.
Je crois que le décès d’une personne chère m’a aidé aussi à passer le cap de la page vierge. Cela m’a rappelé le sablier, posé sur mon bureau. L’écriture est un moyen de lutter contre cet ennemi invisible, le temps. C’est très complexe à expliquer.
Nous allons avoir le plaisir de vous recevoir en dédicace à la Fnac de Lausanne, pouvez-vous nous parler du ou des titres que vous allez décider de mettre en avant ?
Je vais tâcher de présenter trois livres différents. Le premier, les Chroniques Ecarlates, est un recueil de six mini-romans fort différents. J’insiste sur le terme « mini-roman », car ces textes sont plus longs qu’une nouvelle, ce qui les distingue clairement de ce format. Toutefois, chacune de ces histoires se passe dans le même monde. Cela tend à conférer à l’ensemble une certaine cohésion. Voilà quelques personnages qui attendent le lecteur : Un jeune homme en quête d’idéal, qui va partir suivre une formation chez des mercenaires impitoyables. Ou un handicapé d’un genre nouveau, issu d’un peuple amphibie, qui va tout mettre en œuvre pour lutter contre la fatalité. Ou un groupe de brigands sans foi ni loi, dont la dernière exaction risque de leur coûter cher… Le dernier mini-roman s’intitule le Dernier Bastion et met en scène une poignée de rescapés dans une position défensive, luttant contre de grandes vagues d’ennemis.
Mon second livre est Masango, la voie du gladiateur. Il y est question d’un gladiateur de couleur, qui doit faire face au mépris du royaume dans lequel il est fait esclave. Forcé de se battre dans les arènes, il est à 5 combats de sa libération. Et de la libération de la femme qu’il aime en cachette, une esclave blanche. Evidemment, cela ne va pas se passer comme prévu.
Le troisième livre s’intitule de Sang et de Froid. Cela se passe en Arctique. On voyage en compagnie de Ferya, une grande guerrière, Wundrak et Gulgoren, une enfant issu d’une union mal vue par ses semblables. Cela m’a permis d’aborder le thème de l’adoption sous une forme bien précise. La femme mettra tout en œuvre pour sauver ce gosse qui n’est pas le sien…
« Adjaï aux mille visages » est mon second roman publié sur papier (le premier était un polar écrit à quatre mains avec Léo Sigrann). Ça se passe dans un univers où les amateurs du Seigneur des anneaux pourraient retrouver quelques marques, mais mes personnages n’ont pas grand-chose à voir avec les héros du grand Tolkien. Le personnage principal, Adjaï, est un changeling, c’est à dire qu’il peut changer d’apparence et de sexe à loisir. Évidemment, au début, comme probablement tout gamin grandissant dans la rue en temps de guerre, cet atout lui servira surtout à manipuler son monde pour son propre bénéfice, et surtout tenter de survivre. Ensuite… Eh bien, avoir des capacités hors norme ne suffit pas forcément à s’en sortir, quand on tombe sur plus malin et mauvais que soi. Rattraper ses erreurs de jeunesse peut parfois remplir tout une vie… À moins d’apprendre à surpasser ses maîtres et se dépasser soi-même?
Quelles ont été la ou les plus grandes difficultés lors de la conception de ses œuvres ?
Difficile à dire. Au début, je pensais que le plus difficile serait d’arriver au bout de l’écriture de l’histoire. En fait, ce n’était rien par rapport au travail de correction qu’il a fallu faire avant d’arriver à quelque-chose d’assez satisfaisant pour l’envoyer à un éditeur. Mais finalement, trouver un éditeur a été encore une aventure d’un an environ, faite d’envois, de refus, d’espoir, de peut-être… Pratiquement aussi long que de l’écrire et le corriger, ce roman!
Mais le vrai boulot a commencé après, avec le travail éditorial, les corrections orthographiques et linguistiques poussées… Et je me rends compte que maintenant qu’il est publié, tout reste à faire pour lui permettre de rencontrer son public, en faisant des salons, et bien sûr… des dédicaces!
Chaque étape étant décisive, je dirais que chaque étape est «difficile » mais pour des raisons sans doute très diverses. Si je prends l’exemple d’une scène d’action, il faut faire en sorte qu’elle soit « lisible » pour le lecteur. Ce qui implique un effort de mise en situation de la part de l’auteur. Suis-je clair ? Ai-je tout dit ? De plus, j’aime que mon texte soit fluide, que l’on puisse le lire sans recommencer mille fois la phrase pour en saisir le sens. Dans une scène d’action, tout va vite, tout s’enchaîne. C’est à mon sens primordial.
Les dialogues sont aussi très importants, car ils donnent du corps aux personnages et leur confèrent une psychologie. Il faut donc les soigner au maximum. C’est un réel travail de précision. Parfois, un mot de trop, une ellipse, et toute l’articulation de l’échange entre les protagonistes se cassent la figure. C’est peut-être finalement la mission la plus compliquée, en ce qui me concerne.
Si une personne voulait se lancer dans l’écriture d’un roman, quels conseils lui donneriez-vous ?
Je pense que le meilleur conseil à donner reste de beaucoup lire et de beaucoup écrire. Il n’y a pas de miracle. L’écriture passe par un entraînement intensif de tous les jours. Il faut persévérer, se relire, déchirer des pages, biffer des passages, désespérer une fois ou deux… Mais toujours se relever. Et il faut aller jusqu’au bout ! Ensuite, je pense qu’il est primordial de réfléchir un maximum à l’histoire que l’on produit, afin d’aménager des surprises dans le texte, des retournements de situations, des subtilités scénaristiques… bref, tout ce qui peut faire de la lecture une chouette aventure. Ah, oui, une dernière chose : entourez-vous de gens qui vous lisent et qui vous donnent un avis franc. Et écoutez ces avis ! Ne les suivez pas aveuglément mais écoutez-les ! En plus d’améliorer votre histoire, c’est également un excellent moyen pour retrouver toute son humilité.
De bien s’accrocher. Patience et longueur de temps, tout ça…
Merci à tous les deux!
Nous vous retrouvons Samedi 8 Décembre à partir de 14 heures dans le rayon Littérature du magasin de Lausanne!
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