De l’art difficile de critiquer un livre qui n’a pas à être critiqué
A toi Ovidie, qui a le courage de poser tes mots sur papier et l’audace de nous les faire lire. A toi qui te permets de conjuguer le Verbe, celui qui nous est interdit depuis si longtemps. A toi qui prends le risque d’être entendue et détestée pour cela. A toi, enfin, qui offre simplement ta parole.
A toi Ovidie, j’aimerai pouvoir dire tant de choses, tant d’émotions, tant de respect mais je ne suis pas certaine d’en être capable. Alors je te dis merci.
Parce qu’une prise de parole est toujours importante. Elle permet d’entendre l’autre, celle qui n’est pas soi, et d’en ressortir grandie, toujours. Merci d’éclairer ma lanterne de ta lueur. Elle est belle ta lumière, elle rayonne.
Merci pour ces deux heures de lecture effrénée, accrochée littéralement au papier, tantôt caressant son grain, tantôt les doigts blanchis de le serrer si fort. Une lecture d’une traite, incapable de quitter tes mots, raisonnés mais déraisonnables, puisqu’ils disent l’indicible. Une lecture ininterrompue, dont d’aucun diront que tu l’as écrit ainsi, mais je pense qu’il n’en est rien. Tout est bien trop réfléchi, trop aiguisé, trop sagace pour que tu n’y aies pas passé un nombre incalculable d’heures. Ou peut-être si, finalement, parce que ces heures de discernement, tu les as vécues, toute ta vie.
Merci pour ta violence, parce que pointer du doigt une injustice est toujours violente. Personne n’aime être giflé, c’est humiliant. Pourtant ton livre m’a balancé une belle paire de claque. Elle n’a cependant rien d’abaissant. C’est une claque qui avive, simplement. Qui révèle des choses qu’on sait déjà mais qu’on choisit d’ignorer, de taire ou de minimiser. Ta parole souligne, elle témoigne et formule mais elle ne découvre malheureusement rien. Parce que toute femme qui lira tes mots a vécu ce que tu (d)énonces. Toutes hélas, sans exception.
Et à celles qui nieront cet état de fait, à celles qui jureront leurs grands dieux que jamais elles n’ont subi cela, à celles qui rejetteront ton lucide constat, à celles qui t’accuseront de creuser un fossé entre les sexes, à celles qui te poseront en victime pour ne pas avoir à l’être, à celles qui ne peuvent encore que garder leurs mains bien plaquées sur leurs oreilles, j’aimerai dire ceci: tout ce que tu dis dans ton livre, je l’ai vécu. Pas comme toi, mais je l’ai vécu. On l’a toutes vécu. Ce n’est ni notre faute, ni celle des hommes. Et s’il faut trouver un coupable, nous les sommes toutes et tous, en continuant encore et encore de reproduire ce schémas patriarcal qui nous étouffe, toutes et tous.
A celles, encore, qui auront compris ce que tu écris, Ovidie, mais qui sont terrorisées, paralysées de ne savoir comment faire autrement, pas prêtes à révolutionner leur monde, incapables de suivre le chemin que tu as choisi parce qu’elles ne s’y reconnaitront pas. A elles, je dis que ce chemin n’a pas à être le leur; ce choix est le tien, il n’a pas valeur de précepte, que justement, ça suffit les injonctions sur les femmes.
Ton livre est alarmant, Ovidie, mais pas désespérant. Parce qu’il ne tient qu’à nous de faire autrement. Depuis les luttes de nos aïeules, et celles, plus proches, de nos mères, les choses changent constamment. La génération des jeunes femmes le prouve: le ras-le-bol est toujours plus présent, plus vif, plus solide, et ta parole, Ovidie, y contribue. Alors, nous, sœurs de luttes, ou simplement femmes, soyons solidaires et vigilantes. Il n y a que comme ça que ce beau combat changera le monde.
Et aux hommes, je ne dirai rien. Mais je conseille la lecture éclairante de tes mots. Parce que le changement viendra de nous, ensemble, et que votre premier pas doit se faire seul, messieurs. Nous ne pouvons voulons plus faire les choses à votre place.
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