Pulp my Switzerland!
Ou quand nos traditions sont assaisonnées de zombies, de sexe et d’hémoglobine.
Philippe Battaglia, directeur de cette nouvelle collection littéraire, est un grand enfant. Quand on lui souffle l’idée d’écrire sur notre petit pays à la manière des Pulp, il sait immédiatement qu’un nouveau jouet vient de s’ajouter à sa panoplie. Alors il contacte des auteurs reconnus, un graphiste de talent et l’aventure peut commencer.
Gore des Alpes voit le jour et pour être certain que le public ne se trompe pas, les trois premières publications tapent fort, très fort !
Mais, c’est quoi un Pulp ? Les Pulp Magazines font fureur dans les États-Unis des années 50. Petites brochures peu chères à fabriquer et à l’achat, elles vous content des meurtres, des nouvelles de fantasy, de science-fiction ou encore quelques romances. Les Pulp sont le pop-corn du roman. On plonge dedans et plus rien ne compte tant que le paquet n’est pas terminé. Ça croustille, ça agace et le salé délicieux de ces petits grains vous rend accro. Publications un peu cheap, elles inventent pourtant tout un univers qui leur est propre. Reconnaissables immédiatement par leurs couvertures colorés et papuleuses, elles rencontrent un succès immédiat au près du public. A petit prix et très vite lues, elles proposent des textes souvent violents et décadents. Lire du Pulp c’est un pied de nez à la morale et à la grande littérature. Mais ne vous y trompez pas, si l’offre est bon marché, les contenus sont de qualités et publient des auteurs comme Raymon Chandler, Robert Bloch, Ray Bradbury ou encore Dashiell Hammett.
Même Philip K. Dick et Frank Herbert se frottent à l’exercice du Pulp. Si ces nouvelles se lisent vite, certains héros resteront dans nos mémoires tels que Tarzan, Conan ou Zorro !
Philippe Battaglia et son équipe rendent un hommage de bout en bout à cette culture et le font avec brio. Les auteurs donnent tout, revisitent notre imaginaire collectif sans censure ni contrainte (sauf peut-être celle de surenchérir dans le gore pour notre plus grand plaisir)
Ludovic Chappex signe des couvertures parfaites qui redonnent vie à ce graphisme particulier dans la lignée des grands illustrateurs tel que Walter Popp, Virgil Finlay ou encore Norman Saunders. Couleurs, traits, grain, stéréotypes, tout y est et c’est délicieux !
Gabriel Bender, célèbre valaisan lyrique, cynique et impertinent nous livre un conte macabre avec la Chienne du Tzain Bernard. Il rend hommage aux premières œuvres de la littérature gothique dans un style épique qui rappelle les fictions polissonnes de l’Ancien Régime. L’auteur interroge et met en lumière les liens interlopes du clergé avec l’argent et le pouvoir, donc avec le sexe. C’est transgressif, décadent et irrévérencieux, autant dire que je trouve cela jouissif. Gabriel Bender s’est amusé à écrire ce texte et cela se ressent à chaque page.
Éclats de rire et grognements honteux ne manqueront pas de vous accompagner dans cette lecture palpitante!
Olive, artiste suisse polymorphe ou polyforme vous emmène en terre genevoise avec Les intoxiqués pour un récit sombre et sardonique. Sexe, drogue et abus en tous genres, le quotidien genevois est le même pour tous, criminels ou nantis. L’auteur passe au scanner un système corrompu jusqu’à la moelle, au mépris des conséquences. C’est étrange, noir, définitivement punk et d’un nihilisme de toute beauté !
Philippe Battaglia n’allait certainement pas manquer l’occasion d’ajouter un texte à cette collection. La Robe de béton plonge le lecteur dans le quotidien des ouvriers du barrage de la Grande Dixence. On y découvre les conditions de vie effroyables, la boue, le froid et les accidents, la perte d’un ami ou d’un père et leur résurrection. Il jette un regard lucide et sans concession sur le traitement réservé aux immigrés qui ont fait la Suisse et aux morts-vivants qui la détruisent. Mon grand père a construit les deux Dixence, j’ai tremblé, ri et vibré à cette lecture. Une nouvelle Impertinente, critique et burlesque.
Du jamais vu dans l’édition suisse, Gore des Alpes ravira vos neurones et apporte des couleurs nouvelles à notre folklore : le rouge de l’hémoglobine, le vert de la putréfaction, le rose de la chaire et le noir de l’angoisse !
Pour célébrer cette nouveauté livresque, et la fête des Morts qui arrive prochainement, ne manquez pas le vernissage de Gore des Alpes
le jeudi 31 octobre dès 17h30 au Kremlin – Monthey.
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En plus de rencontrer les coupables, vous profiterez de deux projections cultissimes : Dawn Of The Dead, d’un certain George A. Romero, réalisateur débutant qui mérite d’être découvert et Zombi 2 de Lucio Fulci, histoire de rassasier votre soif de sang et de viscères. Pour votre gosier, je vous conseille un verre de Chardonnay, pour trinquer au dernier Jim Jarmusch (cœur avec les boyaux)
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