« Je pars pour une aventure! »
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’un livre est un voyage : en soi, dans des vies rêvées ou craintes, par de-là les sentiments ou tout simplement par monts et par vaux.
J’aimerais vous parler de lectures où certains lieux m’ont touché, profondément. Ces lieux ne sont pas le sujet à proprement parler de ces romans et c’est, je pense, ce qui en fait de merveilleuses cartes postales. Les auteurs situent leurs intrigues simplement et se permettent sans pression d’en peindre un tableau sublime.
Little Tall dans le Maine – Dolores Claiborne de Stephen King
Ce roman est, pour moi, un des plus poignants et des plus aboutis de tous les Stephen King. Pas de monstre, peu de crimes, pas de surnaturel ni d’épouvante, et pourtant l’on suit le récit de Dolores, femme dure et solide, avec une boule au ventre et en retenant son souffle à chaque page. Parce que Dolores est une survivante. Parce que quand on vit sur l’île de Little Tall on apprend à résister. Éloignés de tout, presque en autarcie, souvent coupés du reste du monde par la météo ou le simple rythme des saisons, ces lieux sont encore vrais, emplis d’une beauté sauvage qui force le respect.
Personne ne peut dompter ce genre de lieux, on s’en accommode, on cohabite et ils en deviennent des amis, compagnons de vie.
Stephen King est un maître du détail. Quand certains auteurs vous décrivent l’architecture d’un bâtiment ou la grandeur d’une montagne, avouons, parfois, nous sautons quelques pages. Pas avec King… Il le fait si bien que ces détails font partie intégrante du récit et sa maîtrise vous emporte très loin.
King a cette même habileté pour raconter l’humain. C’est donc avec brio qu’il vous conte la vie de ses quatre personnages principaux :
Dolores : femme-Montagne, femme de labeur, femme à la rudesse touchante qui vous semble résignée et pourtant combat contre et pour la vie, toujours.
Vera Donovan : grande garce mauvaise jusqu’au bout des ongles qui emploie Dolores, l’exploite même. Mais c’est mal connaître King. Si l’on déteste profondément Vera, à raison, l’on s’aperçoit que rien n’est tout blanc ou tout noir dans la vie. Qu’est ce qui fait qu’on devient une garce ? L’auteur nous guide petit à petit dans ce questionnement pour nous laisser seul juge face au passé de cette femme.
Séléna Saint-Georges: la fille de Dolores. De ces relations mère fille qui sont si compliquées, où l’on perçoit bien qu’une forme d’amour les lie mais que ce lien semble fait de soie. De ce devoir familial qui enchaîne, étouffe et pourtant fait que finalement, on reste uni. Séléna n’est que fragilité, élevée par des parents qui ne savent pas aimer, ou trop maladroitement.
Little Tall, cette île que les personnages occupent mais qui n’appartient qu’à elle. Caillou solide qui défie l’océan, arrogant et pourtant, lui aussi, fragile. Lieu isolé, qui s’adapte à la modernité mais impose son rythme d’évolution.
Stephen King nous emmène régulièrement dans le Maine, État des USA proche du Canada, aux paysages abruptes et sauvages. Est-ce que l’île de Little Tall existe vraiment ? J’en doute mais je rêve d’y passer des vacances, mes valises chargées de bouquins, lisant des nuits entières dans cette solitude paradisiaque.
Le Québec – Sous les vents de Neptune de Fred Vargas
Je suis une inconditionnelle de Fred Vargas. Elle est une de mes, si ce n’est mon, autrice préférée de romans policier. J’aime tout dans ses romans ! Les personnages si attachants, complexes, si fouillés et tellement humains. Pas de superhéros, pas d’archétypes, pas de clichés : que des gens vrais ! Je lis souvent que les personnages de Fred Vargas sont atypiques ou originaux. Je ne suis pas d’accord mais alors pas du tout. Ses protagonistes sont juste réels, comme les gens qu’on croise tous les jours. Fred a simplement un talent ; celui de révéler la poésie qui existe en chacun de nous.
Dans « Sous les vents de Neptune » une fois n’est pas coutume, Fred Vargas quitte les régions de France, qu’elle décrit déjà à merveille, pour nous emmener au Québec. Dans cette enquête, on retrouve un commissaire Adamsberg fragile, soucieux, état d’esprit qui lui permet de digresser encore un peu plus qu’à son habitude. Les digressions du commissaire, méthode peu orthodoxe de mener une enquête, sont justement les premières raisons de lire ses aventures.
Dans cet opus nous découvrons La Gatineau et la rivière Outaouais (que j’ai longtemps cru inventée, avec un nom pareil, excusez-moi). Cette rivière capable de geler et de créer des congères dignes des meilleures parties de cache-cache !
Le Lac Pink, étendue d’eaux turquoise, et non roses, paysage paradisiaque ou seul une variété d’épinoche peut vivre en l’absence d’oxygène.
Le Québec et ses températures glaciales qui n’ont d’égal que la chaleur de ses habitants. Les pluies de verglas qui inventent des sculptures de glace féeriques.
La Belle Province et ses écureuils gardiens de porte, fidèles et consciencieux dans leur travail mais au cœur fragile, qu’une amourette peut vite déstabiliser.
Un Vargas tout en complexité et en fragilité. Il n’est peut-être pas conseillé de commencer par celui-ci si vous ne connaissez rien de cet univers. Préférez l’Homme aux cercles bleus, qui vous présentera Adamsberg ou Debout les morts pour faire connaissance des trois empereurs, autres héros de Fred Vargas
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Rares sont les adaptations de King au cinéma qui soient réussies. Taylor Hackford signe ici un chef d’œuvre. Le film est porté de bout en bout par la sublissime Kathy Bates qui campe une Dolores aussi juste que le personnage du roman. C’est Jennifer Jason Leigh qui lui donne la réplique pour une réussite totale!
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Jean-Hugues Anglade a tout pour plaire en Commissaire Adamsberg. Si l’adaptation à l’écran n’a clairement pas la poésie et la profondeur du roman, le moment passé reste agréable.
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