Six ans! Cela fait six que j’attends une nouvelle enquête rédigée par l’excellentissime, la fabuleuse, la grandiose Fred Vargas! Six ans!
Il arrive enfin, le 17 mai, et autant vous dire que mon jeudi de congé sera fait d’un canapé moelleux, d’une couverture et des 650 pages du polar Sur la dalle! Peut-être accompagnée de quelques biscuits chocolatés et de ronronnements félins mais assurément d’un grand bonheur littéraire! C’est que j’entretiens une relation quasi amoureuse avec les romans de Fred Vargas! Elle est unique dans sa catégorie, chaque enquête est un voyage dans ce qui se fait de plus subtil en qualité d’écriture et elle donne vie à des figures inoubliables! J’aimerais tellement que quelqu’un parle de moi comme l’autrice parle de ses personnages. Elle trouve des mots qu’on n’écrit pas ailleurs et ose des traits de caractères sans jamais faire de caricature!
Vous n’avez jamais croisé d’enquêteur comme son commissaire Adamsberg, le pelleteur de nuages. Parce que Jean-Baptiste est incapable de suivre un raisonnement, son cerveau ne fonctionne pas sur la logique brute et pourtant sa sensibilité et son intuition font toujours mouche. Flâneur, parfois contemplatif, toujours flegmatique, il semble fuir les gens et pourtant il les comprend profondément. Les détails d’un quotidien deviennent aussi importants que n’importe quels indices et vous enveloppent dans une poésie populaire qui vous touche au cœur. Tout cela donne un héro original, follement intelligent et un ami pour la vie. Il en va de même pour toute la brigade, formée de secondes mains aux aptitudes particulières mais qui ont toutes une place importante dans chaque enquête. Que se soit les colères de Noël, l’obsession d’Hélène pour la nourriture, les siestes chroniques de Mercadet ou les connaissances en ichtyologie de Voisenet, à chaque investigation, ces détails auront un rôle à jouer.
Parce qu’Admasberg fonctionne ainsi: la route est plus importante que la destination. Et pour nous, lecteur, il en va de même. Un comble pour un roman policier? Oui, mais c’est fabuleux!
Si les enquêtes sont minutieuses, toujours basées sur des faits historiques fouillés et riches en détails, que les crimes sont violents, noirs et souvent sournois, on en oublie presque l’importance de trouver le coupable! C’est alors que l’autrice nous explose les neurones, non pas dans un tonner de révélations, mais… De la plus petite affaire personnelle, à la libération d’un pigeon et l’arrestation du criminel, elle dénoue tout avec subtilité, dans un puzzle poétique aux dialogues exquis!
De dialogue, justement, c’est tout ce que nous avons à nous mettre sous la dent concernant le nouveau Vargas à paraitre!
– Le dolmen dont tu m’as parlé, Johan, il est bien sur la route du petit pont ?
– A deux kilomètres après le petit pont, ne te trompe pas. Sur ta gauche, tu ne peux pas le manquer. Il est splendide, toutes ses pierres sont encore debout.
– Ca date de quand, un dolmen ?
– Environ quatre mille ans.
– Donc des pierres pénétrées par les siècles. C’est parfait pour moi.
– Mais parfait pour quoi ?
– Et cela servait à quoi, ces dolmens ? demanda Adamsberg sans répondre.
– Ce sont des monuments funéraires. Des tombes, si tu préfères, faites de pierres dressées recouvertes par de grandes dalles. J’espère que cela ne te gêne pas.
– En rien. C’est là que je vais aller m’allonger, en hauteur sur la dalle, sous le soleil.
– Et qu’est-ce que tu vas foutre là-dessus ?
– Je ne sais pas, Johan.
Je me réjouis tellement de savoir comment, d’une sieste sur un dolmen, Adamsberg va m’emporter avec lui dans une aventure passionnante, faite de noirceur et d’astuce! J’espère aussi retrouver la fabuleuse lieutenant Violette Retancourt, c’est dans ses bras que je pourrais assurément consoler tous mes chagrins. Je ne vous parle même pas de mon impatience à revoir Adrien Danglard, l’alcoolique érudit, le roc plein de failles, le loyale, fidèle et angoissé Danglard; ma plus grande histoire d’amitié littéraire
De l’exercice difficile, presque impossible, de faire un choix
Quels polars vous conseiller si vous voulez découvrir l’univers de Fred Vargas? Dans les quinze romans, lesquels mettre en avant? Et par la même occasion, lesquels laisser de côté? Vous l’aurez compris, je vous invite vivement à tous les lire, mais amusons nous! Pour commencer: je vous ai parlé du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg et c’est dans ses enquêtes que je vais aller piocher. Mais il faut savoir qu’il existe d’autres héros chez Fred Vargas, dont « les Évangélistes » trois étudiants en Histoire. Marc Vandoosler, dit « Saint Marc » le médiéviste, Mathias Delamarre, dit « Saint Matthieu » spécialiste de la Préhistoire et Lucien Devernois, dit « Saint Luc » observateur de l’Histoire contemporaine. S’ils apparaissent dans plusieurs enquêtes liées à Adamsberg, une trilogie leur est dédiée et il ne faudrait pas passer à côté!
Debout les morts
Un matin, la cantatrice Sophia Siméonidis découvre, dans son jardin, un arbre qu’elle ne connaît pas. Un hêtre. Qui l’a planté là ? Pourquoi ? Pierre, son mari, n’en a que faire. Mais la cantatrice, elle, s’inquiète, en perd le sommeil, finit par demander à ses voisins, nos trois Évangélistes, de creuser sous l’arbre, pour voir si… Quelques semaines plus tard, Sophia disparaît tandis qu’on découvre un cadavre calciné. Est-ce le sien ? La police enquête. Les voisins aussi. Sophia, ils l’aimaient bien. L’étrange apparition du hêtre n’en devient que plus énigmatique.
Un peu plus loin sur la droite
Louis Kehlweiler, dit l’Allemand, flanqué de son crapaud Bufo, trouve un os sur la grille d’un arbre. Vraiment un os; un petit déchet blanchâtre, au milieu d’excréments canins. Et même un os humain… Lorsque Kehlweiler l’apporte au commissariat du 5e arrondissement, les flics lui rient au nez. Mais ce petit bout d’os l’obsède tellement qu’il suit une piste jusqu’à Port-Nicolas, un village perdu au bout de la Bretagne. Là vit un pit-bull. Une sale bête, qui avalerait n’importe quoi. Y compris un bout de cadavre. Reste à trouver le cadavre. Et l’assassin… Épaulé par Saint Marc et Saint Matthieu, Louis mène une enquête originale!
Sans feu ni lieu
Mon préféré des Évangélistes!
Parce qu’il y a Clément, un accordéoniste un peu stupide, un peu gauche, un peu fragile, qui est accusé d’avoir assassiné de façon ignoble au moins deux jeunes femmes.
Parce qu’il y a Marthe ancienne prostituée « à la retraite » qui protège Clément comme une louve! Les trois historiens, Vanlosser et Louis Kehlweiler vont mener l’enquête et lever le voile sur une série de crimes plus macabre encore! Des justiciers boiteux, des personnages hauts en couleur et ultra attachants, une enquête absurde et totalement décalée!
Mais revenons à Adamsberg! Si vous voulez commencer par sa première apparition sous la plume de Fred Vargas,
c’est par L’homme aux cercles bleus qu’il faut attaquer. Depuis plusieurs mois, les trottoirs de Paris sont décorés de cercle bleus dessinés à la craie autour d’objets aussi anodins que variés, et agrémentés d’une phrase énigmatique, écrite dans une belle écriture soignée : « Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ? » Si les journaux et la population s’en amusent, le commissaires Adamsberg s’inquiète. Son instinct lui donnera raison puisque bientôt ce n’est pas un objet qu’on retrouve dans un cercle de craie, mais un corps. Puis un autre, et encore un autre. Tous égorgés… C’est ainsi que vous allez comprendre comment fonctionne Jean-Baptiste et c’est un régal de déductions farfelues! Et si vous voulez mes coups de cœurs pour plonger dans les enquêtes du pelleteur de nuages, en voici trois!
Pour rencontrer Joss Le Guern un crieur public! Dans sa boite à message, sont glissées d’étranges annonces à crier et payés bien au dessus du tarif qu’il demande. Certains textes sont en latin, d’autres semblent copiés dans des ouvrages vieux de plusieurs siècles. Mais tous prédisent le retour d’un fléau venu du fond des âges… En parallèle, des signes étranges sont tracés à la peinture noire sur des portes d’appartements, d’un bout à l’autre de Paris. Une sorte de grand 4 inversé, muni de deux barres sur la branche basse. En dessous, trois lettres : CTL. A première vue, on pourrait croire à l’œuvre d’un tagueur. Le commissaire Adamsberg, lui, y décèle une menace sourde, un relent maléfique. De plus, on découvre des morts suspectes: des corps recouvert de poudre de charbon noir… Tout semble rappeler le Fléau de Dieu; la Grande Peste!
Pour rencontrer Lucio, le voisin d’Adamsberg, qui est un poème à lui tout seul! « Des fois, ça me gratte. Ça me gratte sur mon bras manquant, soixante-neuf ans plus tard. À un endroit bien précis, toujours le même : c’est la piqûre de l’araignée. Quand mon bras est parti, je n’avais pas fini de la gratter. Alors elle me démange toujours. C’est tout simple, c’est que le sentiment n’a pas fini sa vie. Et si on meurt ; avant d’avoir fini de vivre, c’est pareil. Les assassinés continuent à traîner dans le vide, des engeances qui viennent nous démanger sans cesse. » Les philosophies de Lucio vont amener notre commissaire à se poser une question: et s’il courrait après une ombre? Quel rapport entre deux morts égorgés porte de la Chapelle, un cerf éventré en Normandie, un vol de reliques, une infirmière évadée de prison et le fantôme d’une nonne ? Adamsberg n’a jamais été aussi troublé.
Parce qu’il vous faut rencontrer Camille… Le grand amour de Jean-Baptiste! Camille, l’énigmatique, l’insaisissable, la fabuleuse Camille! Parce qu’il faut visiter le Mercantour dans une bétaillère puant le suint. Cette odeur qui semble sortir des pages et imprègne votre lecture! Parce qu’un loup attaque des brebis et que les légendes font rêver. Parce qu’à un loup sauvage on peut préférer un loup-garou quand c’est une bergère qu’on retrouve morte… Parce que les superstitions sont un terreau merveilleux pour la peur! Parce que l’enfance pyrénéennes d’Adamsberg remonte à la surface! Parce que vous devez faire connaissance avec Soliman et le Veilleux! » Comme des tisons, mon gars, comme des tisons ça fait, les yeux du loup, la nuit. «
Je termine cet article par un dernier livre: Coule la Seine. Un recueil de trois nouvelles dont une en particulier: Salut et liberté! Il vous faut rencontrer Vasco, le vieux SDF qui s’obstine à s’assoir sur ce banc, devant le commissariat. Son bal quotidien, apportant avec lui des objets insolites qu’il étale un peu partout. Jusqu’à un porte-manteau qui aura le don de mettre le lieutenant Danglard dans une colère noire! Vasco frôle l’absurdité mais pour Adamsberg l’affaire n’est pas si anodine. Il se cache toujours quelque chose d’intéressant sous les petites choses…
Laisser un commentaire