Autant le dire tout de suite, je ne suis pas une adepte de François Bégaudeau. C’est comme ça, il n’y a aucune valeur à poser là-dessus: l’auteur ne m’a encore jamais emportée, dans aucun des romans que j’ai lu… Jusqu’à aujourd’hui…
A peine 90 pages. Rendez-vous compte! 90 pages pour narrer une histoire d’amour? Impossible! Il en faudrait mille, pour la rencontre, pour les cœurs qui chavirent, pour les déchirures, les trahisons et les réconciliations qui nous enflamment! Mille de plus pour les ébats ardents et moites, les rêves et les promesses et mille encore pour la fatalité, l’usure et les remises en question! Mais non, François Bégaudeau a écrit moins de 100 pages sur l’amour… Et il nous livre une histoire fragile, belle et à sa manière, bouleversante. Oui, j’ai pleuré à la lecture de L’amour. Parce que les Moreau sont d’une banalité folle, leur quotidien n’est ni exceptionnel, ni fantasmé, leur couple existe et ils s’en contentent et c’est justement là que tout est beau. C’est dans l’imperceptible que deux être deviennent complices, qu’ils avancent ensemble, qu’ils construisent et c’est ce qui fait un socle, solide… Et l’auteur construit son roman exactement comme cela: épuré, efficace, solide et d’une virtuosité d’écriture incroyable.
Petit à petit, la lecture vous enchaine aux Moreau. Petit à petit, vous vous attachez à eux, quelques fois vous tremblez en imaginant le pire arriver. Vous vous dites même que c’est logique: les ronchonnades, les distances, incompréhension des intérêts de l’un ou de l’autre, les tracas quotidiens, les manies; tout est réuni pour qu’ils se séparent. Parce que c’est ce qu’on nous raconte depuis la nuit des temps… Mais non, les Moreau restent ensemble… Cinquante ans…
Et là, l’invisible, l’indicible, le subtil, l’alchimie opèrent… François Bégaudeau a tout mis en œuvre pour ne rien vous dire, pour ne rien vous faire croire, il a simplement raconter une histoire d’amour comme on en vit tout les jours, comme on en rêve sans oser le dire: une histoire vraie…
Si vous êtes amour passionnel, fusion de deux êtres, déclarations éternelles, romantisme des roses rouges et des noces sous le soleil couchant, fuyez!
Parce que François Bégaudeau va vous parler d’amour… Pas de passion…
Il me semble que c’est autour de l’âge de 20ans qu’on cesse de s’obstiner à mettre une majuscule au mot amour. Laissons-nous une marge de 25ans… Ensuite, on est grand. Non pas qu’on perde quelque chose, qu’on oublie ou qu’on s’assagit mais on comprend des choses. On comprend que l’amour, celui qui transporte les cœurs et dure, se cache dans les petites choses du quotidien. Dans cette banalité crasse qu’on tente d’embellir par la passion. Pourtant c’est l’amour, justement, qui fait du banal quelque chose de beau. De tendre. De complice. De subtil.
Et ce tout petit roman est d’une subtilité folle.
J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même. Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l’un de l’autre. C’est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n’est pas sûr.
F.B.
Il y a des choses comme ça, plus on en sait plus c’est mystérieux.
Jeanne apprécie que son désormais mari ne lui ait écrasé qu’une fois les pieds déjà en compote dans ses escarpins pointus.
Niveau souplesse il a les gènes de son père, persifle la mère. Et niveau caractère de cochon ceux de sa mère, ponctue le père. Même si on n’a jamais vu que les cochons aient mauvais caractère.
Elle est sa compagne et lui son compagnon
Laisser un commentaire