Des pages à l’écran
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Plonger dans le monde de Dick est une aventure particulière. Maître incontournable de SF, on peut même dire que depuis il y a une science-fiction dickienne. Un prix littéraire porte son nom, c’est vous dire.
Pas moins de 40 romans et plus de cent de nouvelles constituent l’œuvre de Dick, sans parler des essais et autres écrits hors sciences-fictions. Les éditions J’ai lu se sont amusées à compiler tout cela dans quatre tomes de la collection Nouveaux Millénaires et dans deux exégèses: Plongez – lisez – dévorez !
Si les livres de Philip K. Dick ont été portés à l’écran avec les succès qu’on connaît Minority Report, Blade Runner, Total Recall, Planète Hurlante, Scanner Darkly et d’autres moins, Paycheck, Next ou l’Agence et même plagiés : The Truman Show
C’est à ce nouvel hommage que je voudrais vous intéresser.
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
Mise à part que cette question est, selon moi, une des plus poétique que personne n’a jamais posée, c’est surtout le titre original d’un roman de Philip K. Dick. Nous le connaissons plus sous le nom de Blade Runner puisqu’il a été renommé ainsi après le succès du film éponyme.
Le recueil de nouvelles Electric Dreams est un clin d’oeil à ce titre.
Si je vous parle d’adaptation ici, je dois rendre à César ce qui lui appartient et donc ce recueil a été publié après que la création de la série du même nom.
Electric Dreams est une série de dix épisodes s’inspirant tous de l’univers de Philip K. Dick et de ses dix nouvelles :
Dick est auteur qui interroge, qui pousse le lecteur à prendre part au récit en s’appropriant pleinement l’histoire. Impossible de ne pas se poser des questions, de ne pas se positionner et d’entamer une réflexion personnelle sur ce qu’il nous raconte. A chacune de ses fictions s’impose une réalité possible qui nous renvoie à notre propre rôle; d’humain, d’acteur de la société, de citoyen du Monde.
La série parvient très bien à retranscrire ça.
Cette compilation à une première qualité, celle de nous ouvrir à l’univers fourni de Dick.
Le choix des dix nouvelles est éclectique. Certains sujets toucheront plus profondément un tel, mais nous pouvons tous nous identifier soit à un personnage soit à un questionnement, soit à une des situations évoquées.
Chaque récit du livre est préfacé par le scénariste qui l’a porté à l’écran. Introduction très agréable tant pour découvrir ce qui les a poussés à choisir tel texte et qui donne quelques clefs sur la tournure que prend leur adaptation.
Immunité
Un texte alarmant sur le contrôle de la population, la manipulation de masse et le précepte terrible de « seul ceux qui n’ont quelque chose à se reprocher refusant d’être interroger » avec ces genres de dérives tout le monde se retrouve immanquablement coincé.
La planète impossible
Un texte de science-fiction interstellaire qui ravira les aficionados du genre. Dick questionne sur la mémoire, sur le souvenir et sur les rêves. La Terre est devenue un mythe, une légende et de vouloir y retourner est un voyage particulier.
Le banlieusard
Bon sang comme j’ai aimé cette nouvelle ! D’une banalité tendre et désuète, d’un homme ordinaire qui devient héros ordinaire de sa vie ordinaire. L’auteur réussi une fable atypique qui se joue de la, ou des, réalité.
Service avant achat
Un texte de 1954 qui dépeint exactement notre société de surconsommation actuelle. Déprimante et pessimiste, Dick n’épargne rien, il nous condamne et cette dystopie ne peut que vous terrifier !
Reconstitution historique
Pure nouvelle dickienne, l’auteur joue ici avec les réalités. Deux temps, deux époques pour une même vie. Il glisse de l’une à l’autre avec un réel talent et vous embrouille tout du long.
Être humain c’est…
Qu’est-ce qu’être humain ? Est-ce notre forme humaine qui fait notre humanité ou les émotions et sentiments qu’on lui prête ? Est-ce uniquement quand on est bienveillant que l’on est humain ? La morale que nous conte Dick reste toutefois très pessimiste mais il parvient à être touchant et c’est assez rare dans ses textes pour le souligner.
L’inconnu du réverbère
Écrite en 1953, cette nouvelle est terriblement d’actualité. Elle nous renvoie à ce futur si proche de peuple mouton, de pensée unique et surtout de l’abandon de notre libre arbitre pour un confort normé. Celui qui ne se conforme pas, se pose des questions ou simplement fait confiance à son instinct devient dangereux. Il doit être recardé ou simplement éliminé. La monotonie de la vie du héros est désespérante et la psychose que le gagne petit à petit vous serre le cœur et l’estomac.
Autofab
Vous aimez le Post apocalyptique ? Vous allez être servi ! Comme j’ai détesté cette nouvelle. Pas parce que je la trouve mauvaise, non bien au contraire ! Je l’ai détestée parce qu’elle m’effraye au plus haut point. Elle représente exactement tout ce qui m’angoisse dans notre avenir. Mise en garde écologique et signal d’alarme sur le pouvoir des machines, Dick écrit ce texte en 1955 et vous prenez une belle claque à sa lecture !
Foster, vous êtes mort
Est-ce que Dick faisait de la politique ? On pourrait presque le croire. C’est la manipulation des foules par la peur qui est traitée ici et avec brio ! Entre dénonciation d’une société capitaliste, de la surconsommation et de l’aisance de l’homme à se conformer aux normes, l’histoire est glaçante !
Le père truqué
Peu sensible aux extraterrestres, je dois pourtant admettre que dans Le père truqué, Dick a réussi à instaurer un climat tellement anxiogène qu’il m’a fallu du temps pour passer à autre chose. L’angoisse des enfants est palpable et irradie des quelque vingt pages.
La série reprend donc toutes ses nouvelles, les interprète ou s’en inspire librement. Le choix des réalisateurs et des scénaristes est pertinent. On retrouve David Farr, Tom Harper, Marc Munden, Ronald D. Moore, Jessica Mecklenburg, Travis Beacham, ou Alan Taylor qui mettent leurs talents au service de chaque épisode.
Si certains sont moins bons que d’autres, tous ont un univers particulier et réussissent à vous raconter une histoire qui tient la route. On peut reprocher à certaines interprétations d’être trop libres mais au final chaque récit est abouti.
Du côté des acteurs on ne peut qu’applaudir la magnifique palette : Richard Madden, Holliday Grainger, Steve Buscemi, Terrence Howard, Bryan Cranston, Janelle Monáe ou encore Greg Kinnear et les performances magistrales de Timothy Spall, Essie Davis, Mel Rodriguez, et Juno Temple qui portent leurs rôles et apportent beaucoup à leurs épisodes respectifs.
Electric Dreams est un très bon recueil pour aborder les thématiques chères à Philip K. Dick.
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