Il y a des périodes où tous les livres vous tombent des mains. Ils sont là, à vous faire de l’œil, vous murmurer des mots doux mais rien n’y fait : pas un seul ne trouve grâce à vos yeux. C’est dans ces moments-là que je me fie à mon instinct, laissant mes yeux se perdre dans les ouvrages compactés des étagères et souvent, je tombe sur des perles. J’en étais là, à vagabonder dans les bibliothèques quand un petit ouvrage au titre aguicheur m’a fait de l’œil au rayon Fantasy. C’est vrai, cela faisait longtemps que je n’avais pas plongé dans cet univers !
Fées, Weed et Guillotines de Karim Berrouka, entouré d’une petite banderole rouge m’indiquant qu’il a reçu le prix Elbakin. Je ne suis pas spécialement sensible à ce genre de distinction mais c’est Elbakin quand même…
Je fonce sur la 4e de couverture pour voir si elle est aussi prometteuse que le titre.
Une fée, un détective, une exécution à la guillotine et un complot ?
J’avoue, la trame titille ma curiosité !
Jaspucine, Marc-Aurèle et Zhellébore ?
Avec des prénoms pareils je meurs d’envie de rencontrer ces personnages !
Je m’intéresse un peu plus à l’auteur et voilà que je découvre que Karim Berrouka n’est ni plus ni moins le chanteur et parolier des Ludwig Von 88, ô combien célèbre groupe de punk français. Et là, c’est toute mon adolescence qui remonte à grands coups de Dr Martens et d’épingle à nourrice ! Vendu, n’en rajoutez pas, je fonce !
J’ai avalé ce bouquin en deux petits jours !
Digne d’un polar à l’ancienne, cette aventure mêle enquête, humour et fantasy loufoque dans un tourbillon parfaitement maîtrisé ! On suit le détective Marc-Aurèle, personnage séduisant et séducteur. II est touchant, pertinent et terriblement amical ! Le genre de personne que l’on croise, accoudé au zinc, perdu dans une solitude feinte et qui immanquablement va attirer votre attention.
Jaspucine est une fée, une vraie ! De celle qui s’en cogne d’être évanescente et pailletée et s’en balance des bonnes manières ! Non, une fée qui tabasse et qui déchire ! Une vraie fée en somme ! Son vocabulaire fleuri, ses tenues éclatantes et son caractère virulent font d’elle le plus joli chardon que j’ai pu rencontrer !
Ajoutez à ce duo des méchants vraiment méchants, complètement indifférents au monde qui les entoure et des seconds rôles travaillés à la perfection : vous obtenez un merveilleux moment de littérature loufoque et déjantée !
Ni une ni deux j’ouvre mes catalogues pour découvrir l’Univers de Karim et commander ses deux autres ouvrages disponibles : Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu et Le club des punks contre l’apocalypse zombie. Rien qu’aux titres, me voilà séduite !
Grande fan devant l’Eternel de Lovecraft et nostalgique des pogos sur boîte à rythmes, j’étais incapable de choisir par lequel commencer.
Ça s’est joué à Chifoumi avec mon chat La Schmoove : il a gagné et donc Cthulhu a eu la primeur.
Un énième « tribute to Cthulhu » de la littérature SF/Fantasy? Non!
Ici, rendez-vous avec un subtil hommage totalement irrévérencieux !
La petite Ingrid est au centre d’une énergie Chtulhesque et son monde s’en voit bouleversé. Hommes louches, comportements étranges, manifestations bizarroïdes, créatures fantasques : tout l’emmène dans une aventure épique où le dilemme ultime est de libérer ou non le majestueux monstre. Sauf qu’elle s’en contrecarre complètement, Ingrid, de ce culte lovercraftien mais elle est curieuse, terriblement curieuse. Quel bonheur de retrouver la verve de Karim et surtout son humour ! Il s’amuse à truffer ses pages de clins d’œil et références à cet univers particulier : tant les connaisseurs de H.P. seront ravis de les dénicher, tant les novices pourront y trouver un moyen hilarant d’aborder ce monde complexe. Mais n’oublions pas que Karim aime l’absurde. C’est donc un roman déjanté et délicieusement farfelu qu’il nous propose.
Puristes radicalisés ; passez votre chemin, le 36e degré de Berrouka risque de vous froisser.
J’attaque donc avec impatience le troisième ouvrage, pour confirmer mon enthousiasme berroukien (vous le sentez que je ne suis déjà plus objective ?) et prends enfin rendez-vous avec des punks !
Un roman rempli de fureur, de slogans puissants et d’insolence ! On retrouve toujours l’humour intelligent de l’auteur, sa plume mêlant argot et poésie et son don pour créer des personnages fouillés et attachants.
Nous sommes dans un Paris postapocalyptique où des Zombies bouffent absolument tout ce qui reste d’humain. Les punks du Collectif 25 voient, dans ce chaos général, l’occasion parfaite pour qu’enfin flotte le drapeau anarchiste sur la capitale !
Entre survie, utopie et grabuges, vous plongez dans un bijou de références musicales, de répliques gourmandes et d’absurdités frôlant le génie !
J’ai une profonde tendresse pour les Zombies et un gros faible pour les Punks, cet ouvrage ne pouvait que me plaire. Mais ce n’est pas qu’une histoire de morts-vivants sur fond de squat libertaire, non. L’auteur arrive à vous emporter dans une critique sociétale sans jamais faire de revendication. Il joue avec les codes de séries Z et les mêmes poncifs qui jonchent la culture alternative pour démontrer subtilement que les règles sont partout et qu’on fait avec, même quand elles sont terriblement grossières. En forçant les clichés jusqu’à l’absurde, il distille une inventivité magique qui rend ce livre pertinent.
Ranger Karim Berrouka dans la Fantasy n’est pas évident, le cataloguer SF non plus. Les fans de Robin Hoob, Patrick Rothfuss ou d’Alain Damasio risquent d’être un peu perdus mais si Terry Pratchett et David Calvo vous ont plu, foncez !
L’univers décalé de Karim Berrouka
En injectant une bonne dose de féerie dans le roman noir, Karim Berrouka revisite avec humour et dérision la fantasy urbaine. Amateurs de fées déjantées, d’arbalètes, et d’herbe qui fait rire, laissez-vous charmer ! »
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