« Poète, selon moi, ça a toujours voulu dire saint, ou héros, le personnage dansant sur le vitrail de mon âme, la main qui se lève lentement avec le temps, le bruissement qui enregistre ma matière face à une lumière forte, merde, pourquoi je vis. »
28 ans après sa première parution outre-atlantique, ce sont les Éditions du sous-sol qui publient pour la première fois en français ce texte important.
Important oui, même si l’on ne connait pas Eileen Myles, même si on ne lit pas de poésie, même si le milieu underground new-yorkais ne nous dit absolument rien, on sait que ce livre est important en le voyant trôner dans les étalages des libraires. Il possède une aura qui attire, on a envie de caresser sa couverture, il murmure déjà mille aventures avant même d’avoir soulevé la première page.
Et vous faites bien de répondre à cet appel: le voyage est fascinant!
Eileen Myles compte parmi les poètes vivants les plus célébrés aux États-Unis. Paru en 1994, réédité triomphalement en 2015, Chelsea Girls est encore aujourd’hui acclamé comme un souffle de liberté littéraire, addictif et magistral. Texte fondateur pour nombre d’artistes contemporains, dont Maggie Nelson, Chelsea Grils est un inoubliable portrait d’artiste qui va vous émerveiller!
Dans les années 1970, Eileen Myles a fui l’Amérique catholique et ouvrière pour croquer à pleines dents la vie new-yorkaise : la galère, la poésie, la défonce, l’art et les filles. De souvenirs d’enfance doux-amers aux virées stupéfiantes au sulfureux Chelsea Hotel, en passant par le feu sacré d’une écriture novatrice, Myles raconte tout, avec une honnêteté et une prose explosives.
En 29 textes, tranches de vies intimes, Myles nous balance des pensées décalées, iconoclastes, à la beauté ravageuse! Si les années 50 ont eu la Beat Generation, les ninety’s ont Eileen Myles! Et comme Kerouac et sa bande, Chelsea Grils traverse les générations pour marquer les esprits d’une liberté intemporelle!
Vous comprenez, je suis fille d’alcoolique, et à cause de ça je ne sais pas trop réagir en cas de violence. Quelque part ça me terrifie, mais en même temps ça m’attire. J’ai jamais frappé personne, mais il y a un tas de gens que j’adorerais trucider.
Le poème est né dans des boulots divers, quand j’ai pris conscience que je n’allais pas gagner, que je n’étais pas même présente, en fait. Alors j’ai commencé à m’installer dans mes poèmes, et j’ai jugé que puisque ma vie était celle d’une ratée, elle était poétique.
Comme beaucoup d’autres, je suis devenue artiste, Je préfère ne pas m’appesantir sur cet accident culturel. Disons que j’ai toujours été très douée pour le jeu.
Le vol, c’est un art qui se joue à une fraction de seconde et c’est pour ça que j’adore. Être un voleur c’est comme d’être acteur.. C’est aussi savoir tirer parti de n’importe quelle situation.
Le soir où j’ai compris que je t’aimais il jouait dans un club et tout le monde se pressait autour de la scène, montant sur des trucs pour les voir, lui et son groupe. Juchée sur une estrade, seule, tu le regardais. D’en bas je te contemplais comme si tu étais sur un piédestal. Il y avait quelque chose de tellement calme dans le spectacle de ton observation(…) Tout ce que je savais c’était que je devais me tirer au plus vite, parce que tu étais terriblement importante pour moi. Tu étais un monument de calme.
C’était très Dostoïevski, ce spectacle. Les enfants étaient là. Ils m’ont fixée comme si j’étais un fantôme ou un clown. Sauf que non. J’étais leur amie. J’ai eu la sensation qu’ils m’avaient invitée à passer dans le seul but de m’humilier(…) C’était un échange sans grâce. Si la fin de la jeunesse est une mince tranche de fromage j’ai mangé la mienne debout dans cette pièce.
J’ai toujours pensé que le tendre piège ce n’était pas une vulve mais un lieu confortable où vivent toutes les histoires du monde. Je crois que je dois être née dans un asil de fous, pour savoir une chose pareille – que le temps est tellement court tellement long qu’en échangeant des cigarettes, en écoutant les oiseaux, en regardant la lumière on doit parler, parler pour ne pas être effrayée par sa longueur ni sa brièveté ni même par sa rapidité féroce.
On se sent seule à être en vie sans jamais connaître toute l’histoire. Tout le monde doit se faire à cette idée. Je voudrais tout dire une fois, juste mon rôle, parce que c’est ma vie. Pas la vôtre.
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