Sans l’insistance répétée de mon collègue, j’aurais probablement raté la petite grenade littéraire que nous ont amené les éditions Gallimard l’année passée.
Il faut dire que, au premier abord, un premier roman, de la littérature française, sur un sujet que je pensais vu et revu, il n’y avait pas grand chose pour me pousser à la lecture.
Néanmoins, force est de constater que je m’étais heureusement complètement trompé.
De la bombe, de Clarisse Gorokhoff nous entraîne à Istanbul, que l’auteure connaît bien pour y avoir vécu quelques années.
Nous suivons Ophélie, une jeune française cherchant sa place dans ce monde.
Le livre s’ouvre sur la bombe qu’Ophélie vient de poser au Four Seasons d’Istanbul.
Elle fera des ravages et forcera donc notre apprentie terroriste à fuir.
Mais fuir quoi exactement ?
Sa vie ? Son quotidien ? Cette ville ? Sinan, cet homme aux yeux de qui elle aimerait bien en être une de bombe justement et qui la rabaisse constamment ?
C’est le roman d’une fuite en avant. C’est le roman d’un exercice de style. C’est le roman de naissance d’une nouvelle et grande voix dans la littérature française actuelle.
Ici, il n’est pas question de religion, de géopolitique, de liens avec des évènements actuels et c’est ce qui rend le tout si frais à lire.
La bombe n’est que le prétexte à un cri d’alarme, une remise en question, un ras le bol total. L’auteure à d’ailleurs la très bonne idée de nous épargner toute la mise en place morale de l’objet. Dois-je ou non poser cette bombe ? Ophélie est déterminée et c’est ce qui la rend si humaine et attachante, son déterminisme n’est que l’autre facette de sa perte totale de repères.
Parlons du style maintenant.
Ce livre est d’une précision ciselée et d’une inventivité de langage telle que vous passerez votre temps à relire certaines pages complètes une fois la page tournée.
Les chapitres très courts et saccadés nous permettent de nous immerger totalement dans l’action du moment et de naviguer entre les époques pour nous narrer toute l’histoire d’Ophélie par bribes distillées au rythme des rues qu’elle enchaîne pour quitter la ville.
Ne serait-ce que les premiers mots du livre, nous posent le ton sur la forme que prendra le récit:
Il était une fois seulement, dans un splendide palais sur les rives du Bosphore, une jeune femme qui s’apprêtait à poser une bombe…
Le splendide palais sur les rives du Bosphore, c’est l’hôtel Four Seasons Bosphorus, répertorié dans tous les guides d’Istanbul. La jeune femme, elle, n’est répertoriée nulle part, pourtant je la connais bien ‒ il s’agit de moi.
Bref, jetez-vous sur ce roman qui devrait vous changer des lectures habituelles sur la plage cet été.
Quant à moi, je vais attaquer de suite son deuxième roman qui vient tout juste de paraître: Casse-Gueule.
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