Quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle
j’emprunte cette phrase à Amadou Hampâté Bâ, écrivain malien et grand défenseur de la culture orale, pour mettre en lumière à quel point il est essentiel de connaitre l’Histoire pour comprendre la vie.
Une voix gronde, elle est puissante, lourde et déchirante. Elle se fait entendre depuis longtemps mais elle a pris de l’ampleur depuis mai, depuis la mort de George Floyd. Cette voix c’est celle de l’égalité, celle d’êtres humains qui crient leur ras-le-bol de n’être pas traité comme tel. Celle d’une population qui ne veut plus être une minorité mais sur un pied d’égalité. Cette voix scande Black Lives Matter, dans les rues des Etats-Unis et partout dans le monde. Parce que la cause est universelle, commune et Humaine.
Le mouvement BLM nait en 2013 après la mort de Trayvon Martin. La puissance des réseaux sociaux font que le hashtag lancé par Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi devient viral et réveille les consciences. Fils du slogans Pas de justice pas de Paix, petit-fils de I have a Dream et cousin de all Power to the People, le credo devient marée humaine dans les rues de Ferguson en 2014 après la mort de Michael Brown et dans le Missouri après celle de Eric Garner.
La force du mouvement est l’implication des ses participants et qu’il n’est pas issu d’une organisation politique unique mais compte une vingtaine d’entités, et autant de leaders, mais pas de chef. Il est puissant parce qu’il rassemble la population noire du monde entier mais également toute personne de toute couleur qui dénonce les inégalités de traitement et l’injustice sociale.
Parfois contré par le slogan All Lives Matter, il est utile de rappeler (ou d’apprendre) que les Noirs ont, depuis toujours, « bénéficié » d’un traitement de défaveur et d’une persécution particulière. Pour comprendre l’Histoire et se forger un avis, l’humain n’a rien inventé de mieux depuis les livres alors voici ma sélection d’ouvrages Black Lives Matter
Pour comprendre le mouvement
Black Lives Matter. Le renouveau de la révolte noire américaine
Keeanga-Yamahtta Taylor
Militante antiraciste, féministe et anticapitaliste, Keeanga-Yamahtta Taylor enseigne au Département d’études afro-américaines de l’université de Princeton. Black Lives Matter, son premier livre, a reçu de nombreux prix et a été plusieurs fois réimprimé depuis sa sortie aux Etats-Unis. Le meurtre de Mike Brown par un policier blanc a marqué un point de rupture pour les Afro-Américains de Ferguson (Missouri). Peut-être était-ce à cause de l’inhumanité de la police, qui a laissé le corps de Brown pourrir dans la chaleur estivale. Peut-être était-ce à cause de l’arsenal militaire qu’elle a sorti dès les premières manifestations. Avec ses armes à feu et ses blindés, la police a déclaré la guerre aux habitants noirs de Ferguson. Comment le mouvement Black Lives Matter a-t-il pu naître sous le mandat du premier président noir ? L’auteure revient sur l' »économie politique du racisme » depuis la fin de l’esclavage, le reflux des mouvements sociaux des années 1960 et l’essor d’une élite noire prompte à relayer les préjugés racistes et anti-pauvres. Elle défend le potentiel universaliste de BLM : afro-américain et tourné contre les violences policières, il peut parfaitement rallier d’autres groupes et s’étendre à une lutte générale pour la redistribution des richesses.
Une colère noire
Ta-Nehisi Coates
« Voilà ce qu’il faut que tu saches : en Amérique, la destruction du corps noir est une tradition, un héritage. Je ne voudrais pas que tu te couches dans un rêve. Je voudrais que tu sois un citoyen de ce monde beau et terrible à la fois, un citoyen conscient. J’ai décidé de ne rien te cacher ».
Dans cette lettre adressée à son fils de 15 ans, Ta-Nehisi Coates revient sur la condition de l’homme noir aux Etats-Unis. Une ode à l’humanité, un cri de colère contre ce mal qui gangrène la société américaine depuis des siècles. Salué par la critique et hissé dès sa sortie sur la liste des meilleures ventes du New York Times, Une colère noire est un texte somptueux, viscéral et nécessaire.
Negroes with guns. Des Noirs avec des flingues
Robert F. Williams
Robert F. Williams militait contre la ségrégation raciale. D’abord au sein de la NAACP puis, s’opposant à la ligne non-violente de cette organisation, il prôna l’autodéfense de la communauté noire. En 1961, poursuivi pour une affaire montée de toutes pièces (un enlèvement), il dut s’exiler à Cuba, où il écrivit Negroes with guns, puis en Chine. Revenu aux Etats-Unis en 1969, il subit encore procès, emprisonnements et assignations à résidence. Les poursuites ne cessèrent qu’en 1975.
Ce livre témoigne de la lutte d’une communauté noire du sud des Etats-Unis qui, à partir de 1961, s’arma pour se défendre contre le Ku Klux Klan et d’autres groupes racistes. Mettant fin à la résignation, à la passivité devant la violence contre les Noirs, faisant front aux autorités locales qui la toléraient quand elles ne l’encourageaient pas, la petite communauté de Monroe, en Caroline du Nord, a placé la question de la défense armée au premier plan du mouvement des droits civiques. Sous la direction de Robert F. Williams, cette communauté est devenue un symbole et un drapeau pour tous les Noirs qui se battaient, pour tous ceux qui voulaient imposer que leur droit à la légitime défense leur soit reconnu, comme il l’est pour les Blancs. Ce témoignage, publié pour la première fois en 1962, eut une grande influence parmi les militants noirs de cette période, en particulier parmi les fondateurs du Black Panther Party, créé en 1966.
La Nation armée. Les armes au coeur de la culture américaine
Kaspi André
Chaque année, des tueries de masse plongent les Etats-Unis dans l’horreur. Et pourtant, la liberté d’être armé est un droit fondamental, reposant sur le sacro-saint deuxième amendement à la Constitution, que soutiennent une majorité d’Américains : la puissante National Rifle Association, de paisibles mères de famille, les chasseurs, les tireurs sportifs, toutes celles et ceux qui veulent se défendre contre d’éventuelles agressions, qui n’ont confiance ni dans leurs polices ni dans les institutions fédérales. Ce que contestent, avec de solides arguments, les partisans du contrôle des armes. Le débat divise le pays, au même titre que l’avortement, la peine de mort et l’immigration. Il tient une place encore plus importante que l’opposition entre démocrates et républicains. Il suscite la controverse dans le monde religieux, universitaire, politique.
En un mot, il nous plonge au coeur de la culture américaine, si proche et si différente de la nôtre.
Dehors, le soleil brille. Un innocent raconte le couloir de la mort aux Etats-Unis
Anthony Ray Hinton
Né en Alabama, Anthony Ray Hinton a passé presque trente ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis.
Alabama
1985
Anthony Ray Hinton, vingt-huit ans, est arrêté en train de tondre la pelouse de sa mère, et accusé d’un double meurtre. D’abord sidéré, il clame son innocence, persuadé d’être victime d’une erreur d’identité. Mais Hinton est noir et pauvre, et le système judiciaire, surtout dans cet Etat du sud, n’est pas équitable. Il est condamné à mort par électrocution. Dans le silence du couloir de la mort, il perd espoir. Mais alors qu’il accepte peu à peu son destin, il trouve le moyen de survivre dans cet enfer carcéral. En 2015, avec le soutien de l’avocat spécialiste des droits civiques Bryan Stevenson, Hinton est libéré, après avoir passé près de trente ans en prison. Dehors, le soleil brille est l’histoire d’une terrible erreur judiciaire qui dévoile le quotidien glaçant d’un prisonnier isolé à l’extrême. Un récit qui nous prouve que si l’on peut priver un homme de sa liberté, nul ne peut lui arracher son imagination, son sens de l’humour et sa volonté de vivre. Depuis sa libération et la levée de son accusation par la Cour suprême des Etats-Unis, il prend la parole dans tout le pays pour défendre une justice plus équitable, se battre contre la discrimination et partager son message d’espoir et de pardon.
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