Armorican Psycho – Gwenael le Guellec
Le vent souffle sur les plaines de la Bretagne armoricaine. Pas de grande bataille, de forgeron ou de tribu dans ce pavé noir, mais des crimes atroces, des paysages hallucinants et du suspens de bout en bout. Premier roman policier de Gwenael le Guellec, Armorican Psycho est une réussite.
Pour qui aime la Bretagne, c’est mon cas, ce polar est un splendide guide touristique. Attention, il ne vous fera pas découvrir la meilleure échoppe pour une bolée de cidre, ni la plus fructueuse plage à bulots et autres explorations pittoresques. Il vous permettra d’arpenter la ville de Brest, de long en large et de tomber fatalement amoureux de ce qu’elle recèle de plus sombre, tourmenté et glauque… Je vous ai déjà parlé de mon affect pour la mélancolie et bien le regard que pose Yoran Rosko sur l’Armorique a largement comblé mon appétit de spleen. Parce que Yoran Rosko, héro principal de cette histoire, est photographe et qu’il ne fait que des clichés noir-blanc. Yoran ne voit pas la vie autrement qu’en nuance de gris, atteint d’une maladie rare : l’achromatopsie, il capture les paysage comme il les voit et Gwenael le Guellec nous retranscrit ses diapositives de façon magistrale !
Tout commence par la disparition de Claude, ami et mentor de notre photographe Yoran. Non seulement il s’évapore mais en plus, l’on retrouve un cadavre chez lui. Un mort recouvert de gros sel… Ce cadavre en croute n’est que le premier d’une longue série et la police va faire face à une enquête fastidieuse. Si Yoran est quelqu’un de discret, préférant les côtes balayées par les tempêtes aux rassemblements bruyants, il est surtout loyal en amitié et curieux. Alors, quand il trouve une vieille photo de son ami au milieu d’un groupe d’inconnus, il veut comprendre. Sa ténacité force l’admiration et vous attache définitivement à ce personnage. L’enquête policière, pourtant très bien ficelée, passe au second plan. C’est celle de l’artiste qu’on suit, page après page. Un pèlerinage qui nous emmène dans le plus vil et le plus sale de la nature humaine mais aussi de Brest à Oslo, en passant par Bergen « la ville de la pluie », l’Islande ou encore les îles Féroé. Ces paysages ont un point commun : quand ils se parent de gris ils sont tous venteux, froids, pénétrants et fatalement anxiogènes ! Qu’on plonge dans l’univers des marins bretons ou dans celui des fières vikings, l’écriture méticuleuse de Gwenael le Guellec rive à votre rétine des paysages puissants, inoubliables! Parce que oui, sa plume est cinématographique mais elle n’oublie pas non plus d’être poétique. De la poésie du spleen, celle qui est profonde, noire et qui colle à la peau comme la bruine.
De Brest au cercle polaire on découvre la sauvagerie du « Tueur de Sel » : les meurtres, la torture, la vengeance et l’immoralité dans une investigation en trois temps : après avoir transporté le lecteur dans son atmosphère clair-obscur nappée de mystère, Gwenael le Guellec développe une intrigue pleine de suspense, qui va crescendo pour exploser dans un final bouleversant où tout se réunit de façon mathématique et magistrale !
C’est un premier roman, et c’est un très bon premier roman. Mais comme tout premier roman, il y a quelques faiblesses. Si le voyage est sublime, il est long de 700 pages… Je ne reproche pas à l’auteur de les avoir écrites, bien au contraire ! J’ai pris plaisir à chacune d’elle, mais peut-être que l’éditeur n’a pas réellement fait son travail de conseil et de sabrage, cruel mais nécessaire, dans toutes les descriptions (je le répète, majestueuses) qui parfois sont répétitives. Quoi qu’il en soit, j’ai vraiment aimé cette enquête ultra visuelle et je m’attaque prochainement au nouveau polar de Gwenael le Guellec tout juste sorti ; Exil pour l’enfer pour retrouver Yoran et Brest, alors que le photographe s’était promis de ne plus y revenir…
Breizh polars
Pour continuer dans le polar breton, je ne peux que vous conseiller trois auteurs incontournables du genre.
Si Jean Failler n’est pas mon préféré, les enquêtes de Mary Lester sont devenues cultes. Ancien mareyeur breton reconverti dans la littérature, en 20 ans, il écrit pas loin d’une soixantaine d’enquêtes!
Les aventures du commissaire Dupin sont aussi 100% pur beurre salé! Jean-Luc Bannalec, allemand qui a trouvé sa seconde patrie dans le Finistère sud, explore la Bretagne dans des enquêtes pittoresques!
Christian Blanchard, Normand vivant en Bretagne, ancre ses premiers romans noirs dans la région armoricaine. Si les dernières parutions explorent d’autres régions du Monde, elles sont toujours pleines de suspens et synonyme d’aventures!
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