et autres contes où les princesses volent au secours de leur prince
Depuis des centaines d’années les parents lisent et relisent les mêmes contes de fées à leurs enfants. Karrie Fransman et Jonathan Plackett n’ont pas échappé à la règle. Mais en redécouvrant ces histoires avec leur fille, ils se sont soudain demandé pourquoi les princesses attendaient-elles toujours bien sagement leurs princes charmants ? Pourquoi la Belle n’était-elle pas le Beau ? Pourquoi les princes n’avaient-ils pas le droit d’aller au bal ? Et ils ont décidé de dépoussiérer un peu tout ça. Mais attention, ils n’ont pas réécrit les contes. Ils n’ont réinventé ni les fins ni les personnages. Ils ont simplement interverti leur genre. Ainsi, d’un coup de baguette magique, les princesses ont pris le rôle des princes, les sorciers des sorcières et les reines des rois. Subliment illustré par Karrie, Le Bel au Bois Dormant deviendra à coup sûr le nouveau livre de chevet de toute la famille.
Il était une fois un monde où les princesses sautaient sur leur fidèle destrier pour sauver leurs princes endormis, où les grandes méchantes louves portaient des talons et où les princes faisaient des insomnies à cause d’un satané petit pois…
S’amuser avec les genres, Jonathan Plackett connait bien ça. Il a crée la première application capable d’échanger les visages des utilisateurs. C’est dans ce concept malicieux qu’avec son épouse, Karrie Fransman, ils ont crée et utilisé un algorithme capable de faire la même chose avec n’importe quel texte!
Enfant, le papa de Jonathan lisait des histoires à ses enfants. Sans qu’ils le sachent, il inversait les rôles des personnages pour égayer les lectures. Trente ans plus tard, père à son tour, Jonathan s’est demandé s’il était possible de raconter à sa fille des récits où le monde apprend aux petites filles à être puissantes et aux petits garçons de pouvoir exprimer leur vulnérabilité sans se mettre en colère. Voici comment est né cet algorithme.
Il intervertit les marqueurs de genre; remplaçant les il par elle, les Madame par Monsieur, fille par fils. Épatée par cette technologie, Karrie, illustratrice et autrice de livres jeunesse propose de l’appliquer aux traditionnels contes de fées.
Grammaticalement cette aventure est surprenante! Symboliquement elle est fascinante! Si en toute logique, les Monsieur deviennent Madame, il est une particularité qui a surpris les auteurs: systématiquement dans cette revisite, les filles viennent en premier. Ainsi le célèbre conte devient Gretel et Hansel, les femmes endossent des rôles remarquables et les hommes sont autorisé à être à fleur de peau et se voient récompensés pour leur gentillesse.
Douze contes tout chamboulés
Le beau et la Bête
Cendron et la Petite Pantoufle de verre
Le Prince au petit pois
Jacqueline et le Haricot magique
Gretel et Hansel
Monsieur Raiponce
Blanc-Flocon
Le Petit Chaperon rouge
Le Bel au Bois Dormant
La Naine Tracassine
La Maîtresse Chatte, ou la Chatte bottée
Poucet
Je vous confie que j’ai eu un énorme coup de cœur pour Monsieur Raiponce, mon nouveau meilleur ami de papier, enfermé dans sa triste tour avec sa longue, longue, très longue barbe dorée! Mais toutes ces revisites m’ont émues profondément!
Si l’aventure anglaise fut passionnante, la traduction de ce nouveau recueil en français l’a été encore plus, comme le racontent les deux traductrices, Marguerite Capelle et Hélène Cohen. La langue de Molière s’avère bien moins souple que celle de Shakespeare, bien plus genrée, sans le délicieux échappatoire du neutre. Il a fallu inventer de nouveaux mots et l’exercice est réussi, c’est amusant et frais! Il leur a fallu également respecter notre imaginaire collectif, les contes de Perrault sont très encrés dans notre culture, là encore leur travail est excellent!
Le Bel au bois dormant est un recueil merveilleux, amusant, d’une fraicheur stimulante et d’une imagination féérique. On tremble avec nos héroïnes, on est bouleversé par ces messieurs et on rit, on frémit, on apprend, on s’anime, on peste, on pleure aussi, à chaque page! Et voilà exactement à quoi servent les contes de fées. Un apprentissage de la vie, une quête, une construction de notre moi profond et une ouverture au monde!
Je me permets de vous partager quelques mots de Marie Darrieussecq, qui signe une préface aiguisée et d’un pertinence folle!
…Qu’elle est belle, la force des filles, et qu’elle est belle, la fragilité des garçons… Pourtant, la violence ordinaire du monde interdit aux garçons de pleurer et aux filles d’explorer la nuit…
Quand on dit d’une fille qu’elle est douce et innocente, on ne la décrit pas: on lui donne des ordres. Et quand on dit d’un garçon qu’il est fort et courageux, on lui intime de l’être. A force de répéter ces supposées descriptions, à force d’enfoncer le clou de ces stéréotypes, ils marquent au fer rouge l’imaginaire humain et forgent des sociétés entières. Ce livre de contes renverse joyeusement la structure et souffle toute la vieille charpente. Nos habitudes de pensée sont métamorphosées, la magie est toute simple et l’effet est à la fois drôle, instructif, moral et dérangeant, exactement ce qu’on attend des contes.
…
Commençons par donner aux garçons la chance d’être féminin et aux filles la chance d’être masculines. Laissons-leur cette liberté de trouver leur place malgré les injonctions de la langue. Transformons la langue. transformons le monde. Proposons-leur de nouveaux récits. C’est exactement ce que ce recueil de contes, avec son simple algorithme, crée sous nos yeux enchantés…
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