De la crise d’ado à la poésie
La littérature jeunesse regorge de références. Des histoires fantastiques, des romans d’amour et d’aventure… Loin des séries sans fin et des contenus médiocres, une petite sélection de romans poétiques et touchants
Le retour de Sarah Crossan
Moon Brothers
Dans Inséparables, Sarah Crossan imaginait la vie de deux sœurs siamoises. Prises au piège d’une vie commune forcée, leurs deux corps en un étaient aussi un cocon protecteur. Avec son dernier roman, Moon Brothers, on suit une famille bancale et désunie. Et surtout deux frères. Ed et Joe, l’aîné et le petit dernier. En l’absence d’un père, Ed protège son petit frère, se rappelle de ses anniversaires, de ses réunions parents-profs, soigne ses blessures …
Mais un jour Ed s’en va avec la voiture de sa Tante car il ne supporte plus sa mère, alcoolique. Et Joe grandit dans le souvenir de son frère. Mais l’absence n’est pas le seul drame qui secoue cette famille. Ed a été condamné et il attend son heure dans le couloir de la mort d’une prison au Texas.
Alors après toutes ces années, Joe va aider son frère à passer ses derniers instants.
Cassé
Le couloir de la mort, c’est pour les mecs cassés
comme ce Tom Hanks.
des personnes irréprochables,
démolies, déformées,
aux intérieurs remplis d’épines et d’échardes.
Et qu’est ce qu’on fait des choses fracassées?
A part les jeter à la poubelle?
Sarah Crossan aborde un sujet délicat, la peine de mort, à travers son regard sensible. Comme dans Inséparables, la force des liens familiaux, et leurs faiblesses surtout, est centrale dans ce roman fort. Et le fond est embelli par la forme puisque ce roman comme le précédent est écrit en vers libres. Loin de dérouter la lecture, cette poésie renforce la délicatesse et la puissance des mots utilisés.
Un roman à découvrir à partir de 15 ans.
Marie Pavlenko enfin au format poche
Je suis ton soleil
Déborah est en terminale et dans Je suis ton soleil elle évoque ses amitiés, ses amours, sa famille et son lycée. Lecture typique pour adolescent. Oui, mais la force de ce roman n’est pas dans son intrigue, mais dans ses personnages. Fins et soignés, ils ne répondent pas à de simples stéréotypes. Déborah est intelligente et un brin sarcastique. Sa meilleure amie belle et un peu superficielle mais surtout brillante. Ses deux nouveaux amis un peu en marge mais totalement en osmose. Sa mère qui découpe des magazines, un peu dans sa bulle, et son père qui embrasse une autre femme. Si ça semble réchauffé c’est sans compter la qualité de l’écriture de Marie Pavlenko journaliste et autrice. D’habitude cantonnée à la fantasy, elle s’essaie avec réussite dans la littérature jeunesse et persiste puisque est sorti son deuxième roman Un si petit oiseau.
Drôle, touchant et triste. On passe par une palette d’émotion et on est embarqué par Déborah.
En bonus : le titre des chapitres qui font référence à des chansons, des livres, des films, etc et des citations d’auteurs célèbres à retrouver au fil des pages.
Un roman parfait pour les adolescents déjà accro à la lecture et les adultes un peu nostalgiques des premiers émois.
Dés lors, ma vie se résume à une longue attente. Les lettres sont des portes ouvertes sur un long couloir sombre et rythment ma vie. J’en étudie chaque mot, me penche sur chaque virgule, je me figure ma mère, traçant les voyelles, son petit bout de langue sorti pour mieux s’appliquer. Est-elle toujours aussi cernée?
Sortir d’ici
Le roman coup de poing de Renée Watson
Sortir d’ici, de ce quartier, de cette précarité. Grâce à ses résultats scolaire, sa mère qui la soutient et qui travaille dur pour lui payer cette école. Sortir de ce quartier où parfois elle feint d’être une autre pour se faire accepter. Car à travers la vie de ses camarades elle projette l’espoir d’une meilleure situation
Sortir d’ici, de cette école pour blancs fortunés, où elle n’est pas la bienvenue. Où elle feint d’être une autre pour être intégrée. Car si on lui a ouvert la porte d’une éducation soi disant plus prestigieuse, ce qu’on trouve chez les autres c’est aussi leurs vices et si l’herbe est plus verte ailleurs ce n’est parfois que des apparences.
Je songe à ma mère qui a eu plein de rêves, et à E.J. qui ne manque pas de confiance en lui. A Lee Lee qui sait qu’elle veut être poète depuis le collège. Y croire et rêver ne suffit pas forcément, non. Mon quartier est plein de rêveurs. Mais ça ne signifie pas pour autant que leurs rêves vont se réaliser, je le sais.
Je sais que chaque jour, entre le moment où nos parents, nos professeurs, nos marraines nous lâchent dans le monde en nous disant « Tout ça t’appartient », « Tu es magnifique », « Tu peux être tout ce que tu voudras », et le moment où nous revenons vers eux, quelque chose se passe.
Deux identités pour une seule personne : Jade une adolescente brillante qui est extrêmement lucide sur les codes qui régissent la société.
L’écriture est franche, simple, loin du « drama ». L’histoire de Jade pourrait être celle d’autres adolescents aux Etats Unis où la ségrégation a laissé des traces plus tenaces que ce que l’on pense.
Dans la veine de The hate U give, Renée Watson s’adresse aux adolescents et aux adultes à travers des personnages singuliers et attachants. Si elle a écrit plusieurs livres pour enfant. Sortir d’ici est le premier à être traduit en français.
Rentrée poésie
Signé poète X d’Elizabeth Acevedo
Xiomara est une adolescente réservée. Entre sa meilleure amie, sa mère et son premier amour, elle s’efface devant tant de personnalités explosives. Élevée dans la tradition chrétienne, elle a du mal à se sentir à l’aise avec son corps. Ses formes sont devenues trop pulpeuses pour faire la fierté de sa mère. A croire que son corps décide seul de sa morale. Seul le frère jumeau de X est convenable aux yeux de cette femme pieuse et abîmée par les choix de vie qui lui ont été imposés. Alors son seul réconfort c’est l’écriture. Dans son carnet, elle peut évacuer, s’émouvoir, parler se ses fantasmes, de ses secrets inavouables. Et c’est sa poésie qui fait sa singularité. Alors quand une professeur de son école propose un atelier de slam, les mots de Xiomara vont enfin résonner haut et fort dans les tripes des autres. Enfin … si elle ose affronter sa timidité et les jugements de sa mère …
Puissant et doux, un mélange subtile et beau pour la plume d’Elizabeth Acevedo, cette autrice originaire de République dominicaine qui met en avant sa culture et surtout sa passion pour le slam et la poésie. Pour tous les adolescents ( et leurs parents) qui affectionnent la beauté de la langue.
Il n’est pas assez snob pour un sonnet,
trop délicat pour un cadavre exquis,
et pour un haïku, ça risque de faire serré,
vu tout l’espace qu’il prend dans mes pensées
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