L’enfant considère le fait de grandir comme une calamité quasi obscène qui, pour une raison mystérieuse, ne l’atteindra jamais, lui. Tous ceux ayant passé l’âge de trente ans sont de tristes et grotesques personnages qui pinaillent sans fin pour des broutilles et restent en vie sans posséder (du moins, d’après ce que l’enfant peut voir) aucune raison de vivre. La vie d’enfant est la seule vraie vie.
George Orwell, Tels, tels étaient nos plaisirs et autres essais 1944-1949
« Oyez donc le récit de la vie des enfants d’antan, ces conquérants, ces indociles sourds à leurs parents, ayant banni les bonnes manières, ces têtus tombeurs de tyrans, indomptables et impertinents, allant toujours au lit trop tard, résistant aux rabat-joie, n’ayant peur de personne, et destinés à une digne renommée. »
Car Zach Weinersmith et Boulet vont vous narrer un conte, un poème, une épopée, un aventure sans égale, une fable amère pleine de monstres, de bravoure, d’assonances et d’allitérations!
Découvrez les exploits de la fière Béa Wolf, maîtresse du lac, combattante-née à la jupe fleurie et porte-drapeau de la cabane cœur-d’arbre ! Entendez l’histoire de Carl, roi à la couronne de carton, dénicheur de trésor, souverain bon et serein ainsi que les rois le sont. Pleurez sur les quatre poils perfides qui percèrent un jour son moelleux menton et dansez avec eux autour du bûcher rituel où furent jetés épées à garde galvanisées, poignards à poignée de plastique, jouets ternis par le temps, feux d’artifices et cinq cent nuances de slim gluant. Mais soyez rassurés, la couronne n’est pas tombée elle se passa de tête en tête d’enfants qui savaient pertinemment que les fibres n’avaient rien d’amusant ! Et enfin, faites la connaissance de Roger, grand partageur et pourvoyeur de jeu, fin fournisseur de friandises, devenu roi constructeur de la cabane cœur -d’arbre!
Et comme dans toute épopée il y a de grandes batailles, il vous faudra affronter un monstre! Ce monstre en chacun de nous, qui se cache et attend que le souvenir des rires d’enfant s’estompe et tombe dans l’oubli pour ne laisser que l’ennui d’une triste vie. Triste vie que celle de l’adulte qui amidonne avec fierté son pyjama, qui préfère jus de céleri à chaleureux chocolat chaud et ne supporte plus le bruit, celui pourtant si plaisant des bambins s’amusant!
Tout adulte qui tiendra cet album entre ses mains pensera fatalement la même chose: pourquoi n’ai-je pas eu ce livre étant enfant? Tout enfant qui lira les aventures de ces héros impertinents se sentira empli d’une émotion forte: celle de l’appartenance au monde des illusions, des rêves, des jeux et des rires! Béa Wolf est leur manifeste: celui de l’âme d’enfant, qu’en grandissant nous oublions trop souvent! Tout parent qui tournera ces pages se sentira investi d’une mission: celle de prendre le marmot sous son bras, de se lover dans le moelleux sofa et de lui narrer à haute voix cette aventure fabuleuse.
Zach joue des mots avec brio et il faut saluer la traduction incroyable d’Aude Pasquier, qui a su capter chaque poésie, chaque jeu de lettre, chaque mélodie de l’anglais pour nous livrer cette fière fable. Et que dire des dessins de Boulet! Le choix du noir est fantastique parce qu’il est charbonneux, de ce charbon avec lequel, enfant, nous tracions des dessins sur le banal béton le muant ainsi en cartes aux trésors, en mondes imaginaires et en formidables fresques!
On rit, on tremble avec Béa Wolf et sa bande de bambins bruyants. Et on remercie les artistes d’avoir pris le temps d’inventer un album qui devrait traverser le temps. Car les héros de ce conte, tout autant que le méchant, ne sont ni fâcheux ni fâchant mais portent à vos yeux, tout comme à votre cœur, de vos souvenirs d’enfance la tendre lueur.
Une réécriture atypique et personnelle du célèbre poème anglo-saxon Beowulf. Après la post-face de Zach Weinersmith vous n’aurez qu’une envie, lire ou relire cette œuvre majeure de la littérature! Un album d’une totale réussite !
Laisser un commentaire