Mauvais genre
Chloé Cruchaudet
Editions Delcourt
Collection Mirages
1913, la Belle Epoque. Paul Grappe rencontre Louise Landy dans un petit bal populaire, lieu de fête et d’insouciance propice à la rencontre. Le temps d’une danse et voila le destin de ces deux êtres lié pour la vie. 1914, la Guerre. Paul est appelé sous les drapeaux. « Les gars…On va aller leur mettre une branlée vite fait, et avec un peu de chance, à l’automne on sera à Paname pour fêter le vin nouveau. » Dans une tranchée Paul réconforte son pote Marcel, quelques secondes plus tard c’est à un ami sans tête qu’il s’adresse, un obus l’a lui a arraché tout en le laissant debout. En quelques pages Chloé Cruchaudet saisit l’horreur absolue de la guerre et plonge son récit dans l’effroi. C’en est trop pour Paul qui se mutile afin d’échapper à une mort certaine. La trêve est trop courte. Il déserte mais ce qu’il a vécu ne s’effacera jamais.
Louise lui trouve une petite chambre mais très vite l’enfermement devient insupportable. Un soir il prend les habits de sa femme, va au bistrot du quartier et ramène une bouteille de rouge. Eurêka ! Ca marche ! Des lors Paul n’a de cesse de perfectionner sa tenue, ses attitudes, son expression aidé par sa très dévouée dulcinée. Il devient Suzanne, un double avec lequel il va se confondre, jusqu’à la folie. L’auteur excelle à nous faire pénétrer dans l’esprit sensible et à vif de Paul et dans le tourbillon des sentiments contradictoires qui l’agite. Au fil des jours sa relation avec Louise se modifie, se tend mais tant bien que mal perdure. Grisé par cette vie et des par d’étonnantes rencontres Suzanne devient Suzy, « la Reine de la nuit ». Dix ans après la fin de la guerre les déserteurs sont amnistiés. Suzanne redeviendra-t’elle Paul ?
Inspiré de faits réels et du récit « La Garçonne et l’Assassin » de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, Chloé Cruchaudet nous immerge avec douceur dans le Paris des années folles. Ses personnages sont finement ciselés dans leurs attitudes et leurs dimensions psychologiques. Elle estompe les contours de son dessin et donne à ses images un ton sépia qui renvoie aux vieilles photographies. Les mœurs de l’époque, tout comme la géographie des faubourgs sont rendus avec une étonnante économie de moyen et une grande sensibilité. Une histoire émouvante, passionnante de bout en bout, à lire absolument.
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