A sa sortie, « We are four lions » a encouragé les superlatifs faciles et autres jeux de mots aisés, le tout dans un gros esprit de mauvais goût bien choisi: « Explosif », « De la bombe », « Djihad et rigolade », « Explosion de rire »… Aborder avec humour le thème de la guerre sainte, c’est comme pénétrer dans une grotte afghane un cierge à l’effigie du pape à la main. Un sujet casse gueule qui, quand il est réussi, a tendance à choquer les frileux pendant que les provocateurs se poilent. L’humour a le droit de rester universel et heureusement, dans « We are four lions », c’est la seule idéologie qui tient la route. Volontairement? Chris Morris, le réalisateur, est bien connu dans le monde de la drôlerie satirique, notamment pour ses écrits au point de vue aiguisé sur l’actualité. Ce premier film en trait de personnalité osé et talentueux, étonnant d’audace et chargé d’aplomb, fait l’effet d’une rafale.
Révélateur de l’intelligence du réalisateur, qui ne va pas trop profond dans le sujet et qui sait manier avec brio les débordements et abus liés aux mauvaises interprétations de l’Islam, le film va suivre le quotidien préparatif de quatre (soi-disant) extrêmistes prêt à devenir martyrs et faire péter Londres pour « leur » bonne cause: une éternité au paradis entourés de pucelles en récompense d’avoir puni les infidèles. Le souci? Ces attardés forment à peine un QI normal à eux quatre. Complètement déraisonnée et perdue, leur quête sacrée va vite tourner aux plans foireux genre Pieds Nickelés. Le terme culte reviendrait à blasphèmer, mais une heure et demi durant, nos quatre bombes humaines en herbe enchaînent les répliques au vitriol: « Dieu, à la base, il a pas fait de toi un génie, mais toi tu te complait à être un abruti » ou « Les gars, le seul moyen de ne pas se faire localiser, c’est d’avaler votre carte SIM, cru, comme ça, sans la faire cuire ». On à affaire à du lourd. La bêtise entraînant les bourdes, ils vont tour à tour tuer un émir par erreur, se faire haïr par les moudjahidin censés les former, foutre la pagaille dans la communauté locale et dans la brigade anti-terroriste, manier dangereusement la dynamite artisanale… Plus le film avance et moins on peut prendre ces rigolos au sérieux; jusqu’aux dernières trente minutes monumentales durant laquelle ils vont tenter de perpétrer leurs attentats pendant le marathon de Londres. Déguisés en autruche, en ourson, en arlequin ou en tortue ninja, bourrés d’explosifs, maladroits et affolés, nos quatre protagonistes vont finir tout en beauté et en débilité. Le film était un pari risqué, son réalisateur a su déjouer les pièges et le caractère épineux du sujet, pretextant une drôlerie au premier plan tout en montrant le côté dramatique de la chose.
Boudé légitimement par les cérémonies bien pensantes, ni le film, ni Chris Morris ne raffleront de statuette grand public, mais si l’on devait trouver une suite ou un début farfelu à « Démineurs » (film aux six Oscars), on tiendrait là du rire en détonateur. Religieusement incorrect, politiquement déviant et dangereusement abject, « We are four lions » mérite d’être vu.
Disponible en DVD
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