VERSIONS FRANCAISES ET VERSIONS ORIGINALES:
Ces dernières années l’intérêt pour les trésors cachés français des sixties s’est accru.
Car si dans ses balbutiements le rock français était souvent juste bon à adapter les hits anglo-saxons à la sauce camembert et en général de manière approximative, les collectionneurs -à l’instar du rock garage- on su déterrer des pépites de la fange de la grande variété.
Ca a commencé avec la reconnaissance de Serge Gainsbourg dans les pays anglo-saxons, puis Jacques Dutronc dont Miles Kane se dit grand fan. D’ici peu ce sera sans doute au tour de Ronnie Bird d’être reconnu à sa juste valeur.
La brèche est ouverte (elle l’était depuis longtemps chez les collectionneurs de l’Hexagone). Avantage supplémentaire de ces compilations, regrouper des 45 tours souvent difficiles à trouver ou hors de prix.
La série Pop à Paris parrainée par le magazine Vibrations, tombe donc à point nommé pour vous faire découvrir ou redécouvrir les perles francophones des swinging sixties.
Au programme, comme de coutume à l’époque, des « covers » de titres anglais, des artistes populaires(Polnareff/Bardot/Salvador/Gainsbourg), mais aussi d’illustres inconnus dont les morceaux -rétrospectivement- auraient mérité meilleur éclairage médiatique, en leur temps.
Chacun de ces 5 doubles lp (au prix incroyable de 24,90!) est orné d’une magnifique pochette -comme il se doit- au graphisme d’inspiration Pop Art.
Difficile de préférer un volume en particulier, tant l’éventail est particulièrement homogène. Pas de chronologie ou de thématique, mais à chaque fois une sélection autour d’un morceau phare. Disons simplement que l’on couvre la période 66/70.
Nous allons détailler volume par volume sans trop s’attarder sur les suspects usuels.
VOLUME 1 (Contact) Pochette rouge.
Disque 1 Face A:
Chantal Kelly avec « Notre prof’ d’anglais » dans le style de France Gall.
Bien-entendu le « Contact » de Bardot toujours aussi futuriste, évoquant le film « Barbarella ». Cette première face se conclut avec Chris et son très dylanien « Plan de fugue ».
Face B:
Pascale Aubret démarre la face avec « Affole-toi Marie » dans le pur style Beatles période Sergent Pepper.
Cerise sur le gâteau: le cultissime freakbeat « 7 heures du matin » de Jacqueline Taïeb, qui à lui seul justifie l’achat de ce volume.
Disque 2 Face A:
Claude Channes « L’amour pas la guerre » dont il faut écouter attentivement les hilarantes paroles suivi d’Elsa (non, pas celle des années 80), elle aussi une disciple de Robert Zimmerman avec « C’est bizarre ». Henri Salvador quant à lui nous prouve qu’il est dans le coup avec « Carnaby Street ».
Face B:
Incroyable Charlotte Leslie avec « Les filles c’est fait pour faire l’amour », ici, fait notable, la reprise surpasse l’original R’nB (We got a thing that’s in the groove) avec sa guitare fuzz et ses bongos, les paroles, ne vous y trompez pas, ne sont pas sexistes.
Les comiques se mettent aussi à la pop: Fernand Reynaud, sensible à l’humour de Nino Ferrer reprend « Oh! Hé! Hein! Bon! » qui devient « Oh Hé! Hein! Quoi!.
VOLUME 2 (A tout casser) pochette bleue:
Disque 1 Face A:
L’esthète Ronnie Bird s’approprie la perle garage « I can only give you everything » des Them, intitulé « Chante » en français.
Face B:
Katty Line reprend « Back in my arms again » des Supremes qui devient en français « N’hésite pas quand l’amour t’appelle ».
L’acteur Eddie Constantine, crooner-gangster chante une ode à sa propre gloire « Hey Mr Caution! ». Aux dialogues cinématographiques savoureux.
Michel Polnareff très percutant avec « Ne me marchez pas sur les pieds ».
Disque 2 Face A:
Surprise! Bobby Lapointe dans une veine très garage balance « L’idole et L’Enfant ».
Vous serez surpris par le freakbeat « A tout casser » musique du même film interprété par Johnny (Hallyday), les spécialistes précisant que Jimmy Page est crédité comme guitariste sur ce morceau (il officiait en studio avant de rejoindre les Yardbirds).
Face B:
Sympathique reprise du « These Boots are made for walking » de Nancy Sinatra par la délicieuse Eileen.
Messieurs Richard De Bordeaux et Daniel Beretta (quel nom!), nous dispensent le très psychédélique « La drogue ».
Autre source d’étonnement; Stone d’avant son duo avec Charden, avec l’excellent « L’Antiquité »… Pourtant écrit par Monsieur Eric Charden en personne.
On est très, très loin des rengaines populo du couple à venir.
VOLUME 3 (C’est la mode) Pochette jaune:
Disque 1 Face A:
Dominique Walter ouvre le bal avec « Les petits boudins », que l’on doit à la plume cruelle et misogyne de Gainsbourg.
La swinging demoiselle Valérie Lagrange semble lui répondre avec « Ce que je suis ».
Ronnie Bird, encore lui, fait un clin d’oeil à Lewis Carrol avec « De l’autre côté du miroir », un titre écrit par Micky Jones(guitariste accompagnateur de Johnny et futur Foreigner).
Face B:
Une autre perle de Elsa « Ecoutez ».
Disque 2 Face A:
Ça attaque très fort avec Annie Philippe « C’est la mode » très punchy.
La grande chanteuse soul Nicoletta reprend avec aplomb « Son of the Preacher Man » titré « Le Grand Amour ». Dommage que le texte et son phrasé ne soient pas à la hauteur!
Face B:
France Gall entonne une « Chanson Indienne » à l’exotisme assumé sitar et violons orientaux à l’appui.
Pascale Audret s’inspire de « Je t’aime moi non plus » à la manière narcissique avec » Je m’aime ».
La charmante Violaine fait un clin d’œil à l’harmonica d’Antoine avec le titre « J’ai des problèmes décidément ». Oh Yeah!
VOLUME 4 (Minet Jerk) pochette mauve.
David Alexandre Winter(le papa d’Ophélie) sur les traces de Tom Jones, avec « Qu’est ce que j’ai dansé » un des rares morceaux groovy dans un répertoire constitué de ballades romantiques.
Face B:
Les Fleurs de Pavot -omniprésents sur ces compilations- à l’instar de Polnareff- nous prouvent leur talent avec le très Who/freakbeat « Hippies nous voilà ».
Stone revisite « You wont see me »(Beatles) de manière très soul(« Le jour la nuit ») et ce cher Herbert Léonard nous délivre de la soul avec « Cher Monsieur Fantaisie ».
Disque 2 Face A:
Qui l’eut cru, une fois encore, Bobby Lapointe fait rimer poésie Dada et rock garage avec « Diba Diba » et même l’accordéon musette de André Verchuren s’invite chez les yé-yé s avec « Minet Jerk ».
Face B:
« Mal » reprise du « Hush » de Billy Joe Royal par Johnny Hallyday.
VOLUME 5 (S.O.S. Mesdemoiselles).
Avec son petit air de « Mirza », Jean-Paul Keller nous balance « Ca c’est arrangé ».
Face B:
Monique Thubert en plein mimétisme avec B.B. nous chante le très amusant « Avec les oreilles ».
Disque 2 Face A:
Eddy Mitchell prouve qu’il maîtrise le R n’ B style Stax avec « Et s’il n’en reste qu’un ».
Chris Kersen, une autre délicieuse swinging mademoiselle interprète « Les Filles à Papa ».
Claude Chanes « J’achète tout », aux réminiscences de Dutronc playboy canaille.
Face B:
Les accordéonistes et les humoristes se sont servis dans la pop music.
Les hommes d’Eglise, conscients de l’impact que pouvait avoir leur message au travers de ce médium touchant les jeunes, s’en emparent, exemple, ici le gospel « Jette la Pierre » de L’Abbé Nöel Colombier.
ET C’EST LE MOMENT DE CONCLURE…
Cette sélection confirme le génie musical de Michel Polnareff et révélation, celui des Fleurs De Pavot.
Seul bémol pour cette série aux pochettes magnifiques, à la sélection redoutable et au prix défiant toute concurrence, le manque cruel de notes de pochette. Des informations sur les artistes ou des anecdotes auraient été appréciables. D’ailleurs il faut consulter l’étiquette du disque pour savoir quand on affaire à des reprises ou des compositions originales.
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