Simplement mais sûrement, les Young Gods ont leur place au panthéon du Rock. A deux jours d’assurer la première partie des Killing Joke (groupe pionnier du post-punk en reconquête depuis 2003) au London Hammersmith, on se dit que la logique est mal faite. Adulés par des artistes aussi influents qu’éclectiques, de Bowie (période 90’s) à The Edge (U2) en passant par Trent Reznor (de Nine Inch Nails) qui les cite souvent comme la référence ultime de son groupe, les Young Gods n’ont pas tout à fait le respect (businessement parlant) qu’ils méritent à l’aube de leur dixième album studio. Même si le marché du disque connaît une décrue numérique pour le moins déroutante, « Everybody knows » est la meilleure façon d’aborder une nouvelle décennie.
Trois ans après un « Super Ready/fragmenté » taillé pour la grande route et deux ans après « Knock on wood » qui revisitait leur riche répertoire de manière acoustique et qui finissait d’asseoir leur réputation de groupe incontournable, les pionniers du sampler emmenés par Franz Treichler (rime involontaire) paraissent plus inspirés que jamais. Déjà un exploit, car après 25 ans de carrière, beaucoup seraient tentés de se péter le peu de dents qu’il leur reste. Entre expérimentation sonores et jams pragmatiques d’instruments vintages, les Gods se sont glissés d’eux-mêmes sur la route des studios, avec des idées toujours plus affûtées. Enregistré à différents endroits pour vous emmener encore plus loin que la Pologne, Bruxelles ou Rossinière (canton de Vaud), « Everybody knows » est avant tout un voyage cosmique prêt à franchir les portes d’excellence.
Dès « Sirius Business », intro à la souffrance numérique appuyée par une sorte de Didjeridoo electronique possédé, le ton est donné. 42 secondes évocatrice, c’est bon signe. La voix montante de Franz semble s’amuser des projections spatiales sur « Blooming », ballade tranquille à consonance spatio-temporelle certaine tant elle tend à résumer en 4 minutes les hauts de la discographie du groupe. S’ensuit « No land’s man », réussite totale portée par un riff emrunté à Hendrix et une batterie tabassante. D’un coup, les 60’s du « Voodoo Chil(d) » ne sont pas si loin. Les Young Gods sont passés par la bonne case, celle de l’émancipation du Rock, tellement loin de nos jours actuels… La pression retombe sur « Mister sunshine », incantation chamanique capable de faire virer de bord un indien adepte des rites pluviaux. « Miles away » s’inscrit dans la grande tradition rock-indus du groupe, débute en douceur pour enivrer son auditoire dans un rythme électriquo-technique minimal dansant au potentiel scénique nous faisant piaffer d’impatience quant aux futures prestations en public. « Aux anges » et « Two to tango » renvoient l’ascenseur aux temps anciens de la formation jusqu’à « Tenter le grillage », à la violence industrielle implacable. Enfin, « Once again » finit de triturer votre cerveau par un déluge de sons électroniques baladeurs plus inouïs les uns que les autres, preuve de l’inépuisable banque de données sonore des Gods.
Le groupe peut déjeuner en paix, il ne souffrira jamais de la puissance débile d’un Chihuahua (DJ Bobo), puisqu’ils sont (et resteront, j’en prends les paris) le groupe Suisse le plus reconnu sur la scène mondiale. Avec l’âge, les Young Gods sont devenus plus Gods que Young mais heureusement, leur musique, elle, est éternelle. Modestement mais sûrement, ils font partie des grands du Rock et « Everybody knows », est en piste pour devenir le disque de l’année. Rendez-vous dans un mois pour le palmarès…
Extrait à écouter ici: The Young Gods, « Blooming »
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