Un texan (ou autre énergumène issu de contrées terreuses de l’amérique reculée) a le choix. Soit il reprend le bétail à papa et s’en va caresser le cul des vaches pendant au moins cinquante ans entouré de chemises à carreaux, soit il marie une jolie pucelle déjà formée aux rudiments de la vie de maîtresse de maison et va s’éclater à l’armée le temps d’une guerre. Une analyse fantasque et d’un autre temps, certes, mais qui colle parfaitement avec la country des Secret Sisters, au parfum tellement vintage que l’on se prend à rêver, allongé dans la paille un brin d’herbe sèche à la bouche. Repérées par Jack White qui hésite rarement à propulser des groupes locaux talentueux, Laura et Lydia Rogers publient un premier 45 tours sur le label du frontman des White Stripes en aôut 2010. Produites par T Bone Burnett, qui est à la production country ce que le Boeuf est au Steak, les deux frangines crédibilisent un genre qui a, il faut le reconnaître, du mal à se retourner dans sa tombe déjà bien garnie, puisque plus aucune star n’y officie vivement et qualitativement. Hank Williams est mort depuis un demi-siècle et les descendants de Johnny Cash tardent à se montrer.
Héritières toutes trouvées de la Carter Family, les Secret Sisters, avec leurs gueules d’ange et leur organe raffiné, ont tout pour mettre à mal la suprématie des starlettes post-Madonna: deux jeunes femmes gracieuses comme on n’en fait plus, les yeux persans, les lèvres écarlates et le corsage prêt à faire péter la virilité des rangers les plus farouches. Laura et Lydia sont un rêve d’innocence et pratiquent une musique charmeuse, aux harmonies vocales bouillonnantes. L’américanisme profond a le Stetson en poupe ces temps-ci, où l’on recense foultitude de groupes qui mettent le pied à l’étrier avec brio: les Avett brothers (derniers accompagnants musicaux du géant Cash), Jakob Dylan en duo avec Neko Case, la country-folk rugueuse de Deer Tick, la relève surprenante d’Harper Simon ou encore le timbre inspecteur de Bill Callahan (ex-Smog). Entre reprises de standards country (aussi méconnus que leurs auteurs en Europe) comme « Why baby why » (George Jones), « My heart skips a beat » (Chuck Owens) ou « Why don’t you love me » (Hank Williams), les deux soeurs nous glissent sous la couette quelques compositions personnelles envoutantes et folkloriques (« Tennessee me » et « Waste the day »). En point d’orgue d’un disque d’une douceur incomparable, on notera deux titres sublimés et d’une rare intensité: « Something stupid », mille fois repris par le pire (Robbie Williams et Nicole Kidman) et par le meilleur (Sinatra et sa fille) et le hit intemporel de Bill Monroe « The one i love is gone ».
Les femmes sont à l’honneur en ce début de décennie sauf que là, il leur suffit d’ouvrir la bouche pour nous en mettre plein la vue. Avec les Secret Sisters, le vintage reste à la mode et envoi valser le bling-bling à grosse beat.
Extraits à écouter ici: The One I Love Is Gone – Tennessee Me
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