Au même titre que Midlake, les Black Angels vont passer un cap cette année avec leur troisième album. Au même titre que Midlake, les Black Angels viennent d’une bourgade ennuyeuse (donc inspiratrice) du Texas. Et au même titre que Midlake, les Black Angels se sont dorés le système auditif aux pilules de la fin des 60’s, les Doors, le Velvet Underground et les 13th floor elevators. Une densité aussi glauque, diabolique et aussi irréversible que la folie doit bien prendre sa source quelque part… Quand nos six anti-cowboys forment le groupe en 2004, on n’est pas sûr qu’ils ignoraient figurer comme « album of the month » un peut partout, dans les magazines comme dans le subconscient, quelques années plus tard.
Premier point qui a son importance: la pochette. Pour tout amateur d’art optique, Vasarely est un pape, un archevêque des effets visuels qui donnent rapidement le tournis aux pupilles quelles qu’elles soient. Les Black Angels et leur graphiste sans doute allumé s’en sont grandement inspiré. Phosphene Dream attire l’oeil, l’envoute, un détail malicieusement avantageux en période de crise du disque où les manières de se démarquer ne tiennent plus forcément qu’à la musique en elle-même au milieu des rayons pollués par ces « nouvelles » modes musicales. Pour ceux qui ont la nausée à la vue d’un chef d’oeuvre artistique, ne passez pas votre chemin et vous trouverez ici la clé de vos gènes gastro-refoulantes. Si leurs deux premiers disques (« Passover » en 2006 et « Direction to see a ghost » en 2008) avaient une fâcheuse tendance à la quasi copie du Velvet Underground et du style « no-limit » des Doors, « Phosphene dream » balance tout de suite des vibrations plus identitaires (« Bad Vibrations ») et moins caverneuses, typiques d’un dimanche après-midi à Austin, Texas (« Sunday Afternoon »). Dans plusieurs villes américaines, on tente d’inculquer des valeurs aux gosses à travers le sport-business (base-ball, football américain…) ou des thérapies de groupe où tout chien-chien américano-fanatique calque ses hochements de tête sur son voisin d’enfermement. On rase le tout et on inculque le psychédélisme « inventé » par Roky Erickson (ex-leader de 13th floor elevators) et perpétué par les « Anges Noirs »? C’est un peu le sentiment/souhait qui prédomine dès les premières chansons du disque. De tourbillons désormais imprévisibles de trémolos et de réverbes hallucinogènes (« Phosphene dream ») en empilement de rythmiques voodoo initiatrices (« Entrance song », « River of blood »), le chant chaotique d’Alex Maas fait figure de sermon aux ouïes encore pucelles d’un son qui guida le monde du Rock voilà 40 ans.
Jim Morrison habite des titres comme »Haunting at 1300 McKinley » ou « Telephone » et les Black Angels montent d’un grand en tabassant nos tympans de mélodies stratosphériques et d’arrangements dignes de ce nom. Leur garage-rock sudiste touche le plafond de la sainteté sur « Yellow Elevator », garni d’un esprit torsadé d’orgues et d’effets saturés. A chaque chanson les Black Angels s’affirment, ne perdant jamais le Nord, qui peut tout aussi bien être l’Ouest comme le Sud (mais en gardant le psychédélisme comme point de mire), car dans l’état (autre que le Texas) où vous vous trouverez après des titres comme « True believers » et « The sniper », la rose des points cardinaux aura pris un sacré coup derrières la tête, ne gardant que les épines. Laisser les investir vos orbites, petit à petit, ça blesse, ça brûle, ça pique, ça vous blanchit peu à peu la vision… mieux qu’un orgasme, on touche au but, celui entamé par une poignée d’irréductibles allumés des 60’s n’ayant pas pris une ride… « Phosphene Dream » nous réinjecte l’effet de surprise ressentit par le divin album de Black Mountain (« In the future ») en 2008, sensation de faire du neuf avec du vieux sans passer par la case copie et sans traîner en longueur. Malgré tout, les Black Angels inquiètent volontairement, car comme toutes les formations qui pérennisent le mouvement (The Brian Jonestown Massacre en chef de file) on se demande si la faucheuse aux yeux hypnotiques ne s’est pas penché un peu trop sur leur berceau… Un grand disque.
Extraits à écouter ici: 01 Bad Vibrations – 03 Yellow Elevator #2
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