Il lui aura suffit d’une « ritournelle » pour s’octroyer comme une forme de révérence ad vitam eternam. Cochon à la ville, Sébastien Tellier n’en est pas à son coup d’essai. C’est un personnage complexe. Seul artiste francophone à qui on a renvoyé l’audace roublarde en pleine gueule un soir d’Eurovision 2008, Tellier a vite compris que ce monde coincé du derche n’était pas fait pour lui. Le résultat n’a certes pas été là en terme de classement (19ème sur 25, derrière l’Albanie, le Portugal ou l’Azerbaïdjan pour vous faire une idée), mais au niveau de la position médiatique, on peut dire que l’auteur de « Sexuality » avait réussi son coup, mettant son insouciance post-succès au service d’un territoire musical à réinventer. Depuis ce jour, hélas déjà éloigné de ses débuts remarqués qui l’insupportent, on arrive mieux à cerner cet éternel insatisfait qui combat à sa manière la médiocrité. Entre nous, prendre l’auditeur par surprise n’est pas si lâche.
Pas vraiment branleur – l’inventivité finit toujours par chasser la monotonie – mais pas forcément people, Tellier l’illuminé a longtemps tourné autour du pot avant de bloquer sur le concept christique: dans la lumière des étoiles les dieux m’ont fait gourou. Ce qui confère le mieux ce penchant religieux au barbu Tellier, c’est qu’on l’adore sans poser de questions mais tout en ayant le sentiment qu’il se fout un peu de notre gueule. Une histoire vieille comme le monde… Corrupteur sexuel monté en grade divin, il tartine ses chansons de paix, d’amour et d’alliance bleue, trois choses plus faciles à délivrer qu’à partager. Pour les ignares: le gourou a l’avantage et le privilège de régner en prenant du bon temps. Quoiqu’on en dise, il fait fructifier ses vices.
« My god is blue » est une jungle bleue impénétrable que l’on éclaircie à grands coups d’acides chamaniques, une Atlantide biscuitée et friable que Tellier nous émiette au-dessus de la tête. Glissant doucement vers une partouze liturgique, sa grande messe groovy se trouve presque honteuse devant tant d’incapacité à rester chaste. Prosternez-vous! Les mots fondent doucement sous la langue, son pépito finira logiquement par niquer nos dents de consentants, mais c’est toujours mieux que l’immondice sacrée au gout cartonné que l’on nous sert en apéritif dominical. Tellier, c’est le padre cool qui s’entoure de débaucheurs comme enfants de coeur, celui qui nous pousse à nous inquiéter avant d’aborder le deuxième degré, l’artiste français digne héritier des beaux-bizarres qui s’efforce de faire avec les moyens du bord dans une époque où le buzz nous tuera. On ne se pose pas la question de savoir quand ni comment il reviendra, car pendant ce temps-là, Tellier nous aime et nous pardonne: l’heure est à la débauche.
Gyslain Lancement
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