L’injustice touche aussi le milieu du Rock. Sans compter qu’il aura fallu attendre les huit premiers mois de l’année pour, à quelques exceptions près, écouter un bon disque. Snobé? Oublié? Pour la plupart des gens, Portugal the Man passe au mieux pour une bande ressemblant vaguement à Arcade Fire, au pire pour un groupe au nom insolite faisant plus penser à un début de phrase pas finie qu’à un sauveur potentiel du rock. Faire de la musique en Alaska, on imagine que ce n’est pas chose aisée, limite on compatit. Plus motivés par l’envie de percer en terre urbaine qu’au fin fonds de l’immensité naturelle protégée du nord-ouest américain, Portugal the Man a décidé de migrer vers Portland, ville exemplaire pour ses efforts écologiques et ses parterres fleuris, selon Wikipedia. Le mass-tourist ne contredira pas, il ne mettra jamais les pieds dans ce coin-là. A défaut de contracter un potentiel commercial surpuissant, Portugal the Man affiche davantage de maturité que ceux que l’on reconnait le plus dans leur disque: les MGMT. Alors que l’an passé à pareil époque, les junkies à fort QI squattaient les charts du monde entier, Portugal the Man va plutôt se contenter d’asseoir sa réputation en indé.
« In the mountain in the cloud » nage gaiement dans un flower-power moderne, certainement galvanisé par le courant Beach-boys qui remonte de Californie; courant déformé, distordu, mais bel et bien présent dès les premières mesures psychédéliques de ce sixième album. Si quelques intros sont trompeuses, « So american » et ses faux airs de « No surprises » de Radiohead ou « You carried us » sur lequel Robert Smith (The Cure) s’est surement étranglé, la musique de Portugal the Man fait feu de tout bois et gonfle comme une carte postale au milieu des flammes (« Senseless », « Everything you see », « Head is a flame »), nullement rafraichie par des airs bien connus de boisson sucrée (« Got it all » se paie presque Oasis). Sans aucune incursion électronique, le groupe tire profit d’un psychédélisme emmagasiné, recyclé, et soufflé comme du MGMT avec sourdine peace and love au bout de la tige (« Once was one »). Pour parfaire le tableau, on entendrait presque la gravité d’un Lou Reed sur le refrain d' »All your light », la diversité de The Coral sur « Everything you see », avant que la fin du disque nous achève et s’emporte sur le solo quasi-héroique de « Sleep forever » – mort clinique sur tapis de fleurs. Portugal the Man assure, rassure et fait son chemin sans malheureusement être reconnu à sa juste valeur. Mais au fait, jusqu’où peut-on grandir à force de mettre le barre toujours plus haut?
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