Jean-Louis Aubert est une icône. En 1982, il faisait danser la France sur des airs devenus mythiques qui trouvaient que quelque chose en toi ne tournait pas rond. Grâce au succès de Telephone, emblême du Rock français des 80’s, il s’est tracé une voix royale, basée à la fois sur la sympathie, le talent et le respect du public. Faculté qu’il a conservé intacte tant il est capable de nous pondre des refrains entêtants et efficaces au détour de chaque album, qui rendent accro ses fans et les ondes radio: H (1992) et son légendaire « Temps à nouveau », Stockholm (1997) et son immersif « Océan », Commun accord (2001) avec son chef d’oeuvre « Alter ego » et Idéal standard (2005) porté par « Ailleurs » et « Parles-moi ». Riche d’une carrière solo déjà bien remplie et sans aucune fausse note artistique, Aubert n’a cessé d’élever son niveau musical tel un vieux briscard, mais toujours avec sa gueule d’ado émerveillé.
En 2008, Aubert choisit de se lancer dans une longue tournée (« Un tour sur moi-même ») afin de revisiter son répertoire de manière acoustique et intimiste, accueillit comme il se doit dans tous les festivals bon enfant de France et de Navarre. Ainsi, l’esprit toujours juvénile mais de plus en plus conscient du temps qui passe, Aubert a grandi, évitant habilement le piège du vieux beau qui a oublié que les ex-pepettes sont devenues des ménagères rangées et tirées à quatre épingles. Alors quand cet éternel gamin perd des êtres chers partis l’écouter sous d’autres cieux, ses compositions prennent malgré elles plus de poids, plus de maturité, tant au niveau émotionnel que mélodique. Pour la première fois, On sent qu’Aubert se livre totalement, qu’il a laissé une certaine effervescence, à la limite de la secousse, guider sa plume et ses cordes. Sagesse et plénitude ont donné naissance à « Roc éclair » qui emprunte son jeu de mot à une célèbre agence de pompes funèbres (Roc Eclerc), comme pour mieux accompagner ses amours dans l’au-delà.
Secondé par le timide excentrique Albin de la Simone (qui s’est récemment affûté les crocs aux côtés de Vanessa Paradis et qui a assagit Iggy Pop le temps de son album « Préliminaires ») au piano et dans les choeurs, ce nouvel album est beaucoup plus introspectif. Dès « Je reviens », où Aubert clame son apprentissage réussi de la vie (au moins jusqu’à 55 ans), on retrouve un phrasé et une musicalité entrevue sur les albums précédents de son « binôme de la Simone ». Un papa parti trop tôt, la perte d’un guide laissant un rejeton d’un demi-siècle qui a à peine eu le temps de l’aimer, est la trame de ce disque, Aubert chantant tour à tour son chagrin, de manière joviale sur « C’est con mais bon » ou plongé dans la tristesse sur « Aimer ce qui s’enfuit » ou « Roc éclair ». En « quasi » singles plus légers mais toujours aussi exaltés, « Demain sera parfait » et « Puisses-tu » ont tout de la chanson marquée au fer rouge par son auteur, au style inimitable, reconnaissable entre mille et très propre à lui. Un accent de légèreté et de fantaisie envahit « Les lépidoptères », texte à double sens qui colle parfaitement au caractère de perpétuel adolescent d’Aubert, qui, face à un miroir imaginaire, mesure avec sagesse les effets d’une vie à cent à l’heure de rock star dans « Regarde moi ». Enfin, « Marcelle », qu’on imagine en fée maternelle, ponctue l’album de façon autant surréaliste qu’un conte de Soupault. Jean-Louis Aubert est un artiste que l’on ne pourra jamais détester, les pieds sur terre mais la tête dans les étoiles, il met en musique une poésie simple et fragmentée d’une tristesse inguérissable. Sur des airs Folk-rock aux tonalités country, à l’ambiance sombre, grave, naïve mais pleine de vie, « Roc éclair » n’apprend pas au vieux sage à faire la grimace.
Extraits à écouter ici: Jean-Louis Aubert, « Demain sera parfait »
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