Laissons un peu de côté ce carcan d’actualité qui oblige le chroniqueur à s’alimenter. Que fait-on du recul dans tout ça? Car les connaisseurs, qui ne pourrons m’en vouloir très longtemps, se rendront vite compte que la salade que je leur sers aujourd’hui n’est pas des plus fraîches. Contrairement à la verdure mais tel une frite Mc Donald’s – clin d’oeil au cruel besoin d’espace américain du groupe en question – un bon disque peut traverser le temps sans encombres. J’ai bien dit « bon disque ». Et puis allez, celui-ci fête à peine une année d’existence, faut pas pousser… Mais ne croyez pas que ceci est un oubli de ma part. C’est plutôt un test, une expérimentation qui s’enrichit chaque fois un peu plus, quand pour la énième fois l’aiguille de ma platine ponctue ce disque lo-fi étonnant et atypique. Alors, le faire tourner durant quatre saisons aurait pu, aurait du, me faire forger une raison. Ou pas. Au coeur des tendances il y a une quinzaine d’années, on a fini par tout mettre dans le lo-fi. Au point d’avoir sabré des carrières pourtant bien engagées (Beck)? Herman Düne, eux, se sont entichés d’un genre plus en phase avec leur époque: l’antifolk. En dehors de toute logique commerciale, ils n’ont visiblement pas de mal à (sup)porter leur étiquette internationale de valeur sûre. Et puis, leurs gueules criantes de banalité et leurs barbes mal peignées ne trahiront jamais leur parti pris indé.
En plus d’avoir publié une dizaine de disques en autant d’années, Herman Düne traînent derrière eux de vrais éditions limitées, et même quelques albums à s’arracher sur ebay – le chanceux qui possède « Switzerland heritage » (2001) est un homme riche. Sans vraiment avoir à leur poser la question, c’est le folk électrifié « Dylanien » et le charme vocal « Buddy Hollien » qui nous saisissent en premier lieu, pratiquement comme à chaque fois. Mais « Strange Moosic », qui met fin à trois ans d’un silence peu coutumier, est gorgé d’amour choyé, fragile, simple et apaisé. « I try to make fell better when you feel bad » chante le charismatique David-Ivar Herman Dune, qui par la même s’impose en guérisseur délicat (« Lay your head on my chest« ), nous laissant dériver vers une décontraction toute mélancolique aux arrangements extrêmement bien soignés (« Tell me something i don’t know« ). Si l’innocence des sixties était prédisposée à favoriser les grands disques folk, l’esthétisme que nous offre Herman Düne après dix ans de carrière pourfend gracieusement la nostalgie. Fidèles aux principes artisanaux du groupe, ces douze plages sont taillées pour la route des vacances. Soit-disant enregistrées trop au Nord (Portland) pour faire de « Strange moosic » un disque californien? Il en a pourtant toute la saveur et tout le pacifisme…
Gyslain Lancement
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