Certains lisent l’avenir dans le marc de café, pour Nick Cave, c’est plutôt les viscères de brebis. A l’heure où le loup n’est plus forcément le bienvenu dans nos bergeries qui ronronnent de petites vierges innocentes, le plus dérangé des australiens développe un appétit canidé. Grinderman, ce n’est ni plus ni moins qu’un projet annexe de Nick Cave, composé de Bad Seeds échappés des…. Bad Seeds. La précision a son importance: cette formation n’enterre pas la précédente, c’est une sorte de laboratoire récréatif qui nous envoie plus loin dans l’expérimentation vicieuse du dandy trash.
Après un premier essai en 2007 rempli de compositions brutes et sans le piano angulaire des Bad Seeds, Grinderman se replongeait dans les heures post-punk de Cave à l’époque de Birthday Party. Faire du neuf avec du vieux, avec en plus une renommée mondiale, le pari était presque gagné d’avance et du coup, le groupe tournera mondialement en compagnie des White Stripes, Neil Young et Radiohead. Dans l’idée, Nick Cave et son compère Warren Ellis (compagnon des Bad Seeds et co-auteur de BO monumentales comme « The Road », « The assassination of Jesse James ») ont calmé le jeu sur le successeur de « Grinderman 1 », mais toujours avec un esprit anti-formaté et sérieux.
Ainsi, « Grinderman 2 » ne ressemble à rien d’autre qu’à du Nick Cave déluré, déjanté en roi de l’improvisation. En même temps, le résident de Brighton, qui n’hésite pas à écorcher une certaine classe britannique dans « Mickey mouse and the goodbye man », ne s’est jamais réellement planté. Poète, scénariste, acteur ou écrivain, Cave est le parfait VRP du rock (lire « La mort de Bunny Munro » pour comprendre la pathologie de l’agitateur-obsédé australien). Son âme torturée est à la base d’oeuvres magistrales et « Grinderman 2 » en fait partie.
Après une entrée en matière cynique et moqueuse, un « Worm Tamer » over-saturé vous marteau-pilonne les tympans, pratique pour soigner l’acouphène. « Heaten Child » nous revient comme du White Stripes (son de guitare identique) chanté par un Wallaby alcoolo à moustache, du coup, on frôle la perfection pour trébucher et s’étaler sur un « When my baby comes », incantation traumatique post-rock aux allures de gueule de bois. « Evil » porte bien son nom, on se retrouve en rodéo nuptial mélangeant taureaux, blondes à forte poitrine, whisky et substances nasales. Vous avez dit illicite? Ok on vire les taureaux… Pas le temps d’avoir la tête dans le coltard, tu dois assurer man, le réveil se fait plus en douceur sur « Kitchenette » mais les oreilles en feu,les yeux mi-clos, tu te rendors et embarques pour un « Palaces of Montezuma » court mais monumental… Paraît qu’un rêve n’est pas fait pour durer, pas de panique, Nick Cave est un bouffeur de routine, et son « Bellringer blues » au bandes inversées diaboliques trouverait sa plage horaire idéale dans un couvent anarchique où hurlements de loups remplaceraient les cloches de Pâques.
« Grinderman 2 » met en lumière l’entente musicale parfaite entre Warren Ellis et Nick Cave, à la fois malsaine, improvisée et viscérale. Nick Cave est à l’image de cette pochette fantasmatique: un loup enragé dans un salon rupin, bonjour les degâts… En 9 chansons et environ 40 minutes, « Grinderman 2 » se rend efficace et indispensable dans le genre baillon-boule du rock mollasson. Vas-y Nick, bastonne-nous, on serre les crocs…
Extraits à écouter ici: Grinderman, « Palaces of Montezuma » – Grinderman, « Worm Tamer » – Grinderman, « Mickey mouse and the goodbye man »
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