Moins cramé que Johnny Winter et avec plus de tanin que Derek Trucks, Gregg Allman est un emblème du Blues blanc. Si l’âme du premier s’est envolée un soir de 69 à Woodstock dans des solos au psychédélisme indescriptible et que l’autre a encore des preuves à faire malgré un cursus entamé très tôt, Gregg Allman peut se targuer d’avoir bercé le monde entier au sein du Allman Brothers Band il y a bientôt quarante ans. Ce collectif chevelu n’a jamais oublié que leur musique est née dans l’afro-américanisme d’Alabama et en pilleur gentils, ils ont largement contribué à l’épanouissement du Rock sudiste. Auteur en 1971 d’un live monumental au Fillmore East qui dura une nuit entière et qui mettra un terme à l’existence de cette salle mythique, la troupe de Gregg Allman va peu à peu se désintégrer au fil d’accidents tragiques frappant les membres un à un. Une bonne étoile aidant, natif du Tennessee berceau du whisky, Gregg va poursuivre une carrière solo influencée par les artistes soul et blues qu’il affectionne.
Avec une dizaine d’albums au compteur et une reconnaissance discrète de sa discographie, Allman a toujours tourné, du bistrot poisseux aux salles modestes mais chaleureusement blues. Lorsque le producteur T Bone Burnett lui met le grapin dessus en ayant l’intime conviciton d’alchimiser son timbre et sa chaleur vocale irradiante, Gregg Allman va réunir une flopée de musiciens tous ausi prestigieux les uns que les autres (le grand Dr John aux pianos, Jay Bellerose aux fûts, Dennis Crouch à la basse…). Banco. Produire un grand disque? Finger in the nose. Chargé comme une moiteur sudiste, ce recueil de classiques blues rouvre pour la énième fois la parenthèse d’un style qui ne vieillira jamais et qui s’enrichit toujours un peu plus à chaque réinterprétation. Les maîtres du genre y sont anoblis, l’album couvre un large spectre et nous trimballe de Chicago et son blues gospel (« Floating bridge », « I believe i’ll go back home ») au Delta du Mississipi (« Little by little », « I can’t be satisfied »), en tapant du pied chez BB King où son secret bien gardé inonde cette sublime version de »Please accept my love ». La classe (afro) Américaine. Une seule et unique composition originale de l’auteur vient purifier une bonne fois pour toutes cet exercice de style tout en soul et country blues: « Just another rider » en bourrasque froide et nostalgique rattrape la chamade dans le coeur fatigué de rider mélancolique du grand Gregg. Un sans faute surprenant de la part d’un artiste que l’on attendait plus mais qui mérite sa place parmi les plus grands. Pas difficile de trouver un bon disque en ce début d’année, suffit juste d’aller chercher du bon vieux côté du blues…
Extraits à écouter ici: Devil Got My Woman – Just Another Rider
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