Quitte à vexer les fans de Cali et de Bénabar, autant le faire tout de suite: la nouvelle scène française a moins de quarante ans. C’est avec le goût d’un bonbon acidulé et le bagout d’un colporteur de potion magique que Florent Marchet a tapé dans l’oeil des indépendants belges Pias Recordings. Le berrichon de 35 ans est tombé très tôt dans la musique et à l’aube de sa jeune vie, pendant que maman écossait des haricots, le petit Florent révisait ses gammes au piano. Sa jeunesse prolifique a vu passer le natif de Bourges par le théâtre, le piano-bar, les concerts fédérateurs dans des lieux insolites allant de la prison aux écoles enfantines. Ainsi, la maîtrise d’instruments divers et académiques comme la guitare, la basse et l’accordéon n’ont plus de secret pour lui. Passé chez Barclay au début des années 2000, Florent Marchet va se forger une réputation, une aura au parfum tendance qui mit peu de temps à convaincre les lecteurs des Inrocks. Auteur de deux premiers albums (Gargilesse en 2004 et Rio Baril en 2007) marqués par l’enfance, l’imagination et la présence de poids lourds comme Miossec, Dominique A ou Philippe Katerine, Florent Marchet va silloner les routes et cumuler les dates, devenant même un pillier des Francofolies de la Rochelle et du printemps de Bourges.
Après avoir construit sa propre structure de production en 2009 (« Novida ») et prêté sa plume à divers artistes francophones, Florent Marchet s’atèle au tant attendu troisième album, le risque absolu, la pente rendue glissante par la peur de retourner dans l’inconnue ou pire, de verser dans la variété plan-plan. « Courchevel » est la bonne surprise de ce début 2011, une perle-pop mélodique qui chasse la poussière. En collaboration avec des intermittents percutants et pertinents et des musiciens variés (le percussionniste Mamadou Koné Prince et le guitariste Rémi Alexandre de Syd Matters), Marchet s’impose en Souchon des temps modernes, déroulant une pop mélodieuse, riche et marquée par les souvenirs d’enfance. Rempli de petits trucs inoubliables à l’incidence inestimable, l’album se découvre comme une réminiscence de moments passés, et l’artiste nous transporte dans la province française qui lui est cher (« Narbonne Plage », « Courchevel »). Entre ironie et nostalgie, sa pop romanesque semble très marquée par les compositeurs cinématographiques des 60’s. D’une manière ou d’une autre, quand son humour caustique (« Benjamin », « Mon idole ») s’immisce dans sa mélancolie vériste, on se sent porté dans un univers épanoui entre du Souchon rajeuni et du Delerm regaillardi. Marchet chante sa mémoire avec l’innocence d’un gamin, la lucidité des grandes personnes et la magie d’un poète. En nous embarquant dans la navette du temps qui passe, son duo avec Jane Birkin est la meilleure façon de fêter les vingt ans d’abstinence du grand Gainsbourg, une influence telle qu’on est obligé de l’entendre un peu partout.
Minutie, subtilité et précision: »Courchevel » fleure bon le renouveau et c’est de bon présage pour la suite. Que ce soit dans sa moustache rétro bien taillée ou sur sa peau de bête immaculée, impossible de trouver des poux à Florent Marchet.
Extraits à écouter ici: Courchevel – L’idole
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