Cet été, les Libertines ont monopolisé l’actualité musicale. Avec leur reformation presque surprise le temps de quelques festivals boueux d’Angleterre, le groupe devenu mythique en deux albums (« Up the bracket » en 2002 et « Libertines » en 2004) mit un peu de soleil dans l’été éphémère de la divine Albion. Souvenez-vous, le groupe britpunk des frères ennemis Pete Doherty/Carl Barât avait mis au tapis pas mal de formations en quasi bout de course ou en mal de devenir (Blur, Oasis, The Coral…) au début du millénaire. Là où les Libertines passent… Après leur deuxième disque, enregistré dans l’engueulade générale entre les deux leaders, la sensation anglaise décide de splitter. Pas faute d’avoir amorcé le truc, leur single « You can’t stand me now » prévoyait du changement… En même temps, assurer les concerts sans Doherty, soit en taule soit en D-tox, cela ne pouvait durer, au moins pour l’humeur du groupe. De crêpage de cheveux gras en pétage de tronches, le caractère trempé du duo eut raison de leur histoire. Pour mieux rebondir? on salut d’avance leur incompatibilité quotidienne.
Dans la foulée, Doherty, motivé par sa romance avec Kate « Brindille » Moss, fondera les « Babyshambles », groupe au style très personnel plus post-punk et indépendant, qui ne vendra pas assez de son premier disque (« Down in Albion » en 2005 sur le pouce) au goût de Rough Trade (label de l’époque), quelque peu gavé des frasques de Peter mais qui doit légèrement s’en vouloir aujourd’hui. En effet, leur deuxième production « Shotter’s nation » en 2007 séduira un large public, des nostalgiques des Kinks aux survivants des Smiths… Carl Barât, lui, va la jouer aussi malin. Elément plus calme et moins people que son terrible compère, il va construire les « Dirty Pretty Things » avec le reste des Libertines. En deux albums plutôt bons (« Waterloo to anywhere » et « Romance at short notice ») mais moins ambitieux, Barât va certes perpétuer la tradition du punk des Clash mais va un peu perdre le fil du succès, un cran en dessous de son faux-frère Doherty.
En 2009 , « Grace/Wastelands » émancipe Doherty en artiste solo. Son album, impressionnant de maîtrise et de songwriting fera date, incontestablement. Pendant ce temps, Barât va sillonner les USA en compagnie des écossais de Glasvegas, comme parrain de biture, tout en construisant son propre album. 2010, le moment est venu de se lancer, de laisser ses années de débauche, sa jeunesse, ses amours, sa connerie, tout ça derrière lui. Ce concentré d’honnêteté et de mélancolie renoue avec les grandes heures de la britpop. Album modestement éponyme, « Carl Barât » est le dernier coup d’oeil dans le rétro, sur des souvenirs cabaret-rock brûlants (« The magus »), aux accents « patate dans la bouche » (« Je regrette, je regrette »), touchant du doigt une tristesse classe et mélodieusement pesante (« She’s something », « Carve my name »), profonde et engouffrante (« The Fall », « So long, my lover », « Shadows fall »), où les grands noms de la pop (Morrissey et Paul Weller en tête) auront effectivement à rougir. L’album, réfléchi et consciencieux, a inondé la rentrée d’un single très « Libertines », « Run with the boys », comme pour mieux esquisser la transition, au bon souvenir d’un groupe sans qui la britpop aurait fait du surplace… « Carl Barât » a l’oppression d’une boule de chagrin d’amour dans la gorge, le style d’un appartement néo-baroque de l’ouest londonien et est littéralement habité par le glorieux passé de son auteur. En bref, un bon disque…
Extraits à écouter ici: 01 The Magus – 05 Run With The Boys – 07 So Long, My Lover – 09 Shadows Fall
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