Avec la mort de Clarence Clemons, on a craint le pire, mais sans vraiment paniquer. Orphelin de son saxophoniste légendaire, Bruce Springsteen, le coeur gros, a immédiatement tenu à mettre les choses au clair: « le E Street Band s’arrêtera quand on sera tous morts ». Se morfondre dans la tristesse n’est pas la solution, le Boss du New-Jersey chante les souvenirs mieux que quiconque, et en signe d’une amitié fidèle de plus de quarante années, on retiendra cet hommage, poétique et éternel. Morceaux choisis: « We were united, we were strong, we were righteous, we were unmovable, we were funny, we were corny as hell and as serious as death itself… I’ll miss my friend, his sax, and the force of nature that was his sound… Clarence was big and he made me feel, think, love, and dream big. How big was the big man? Too fucking big to die ». Bâtisseur d’une carrière hors normes, d’un courant musical intemporel et qui synthétise tout ce que le Rock a connu avant lui, Bruce Springsteen a, en dix-sept albums studio, rendu divine la parole d’un certain Jon Landau, qui déclara le 9 Mai 1974 au magazine Rolling Stone: « j’ai vu le futur du Rock’n’roll, il se nomme Bruce Springsteen ». La suite, on la connaît, les deux hommes vont vivre une amitié durable et collaborer sur des disques aussi majestueux qu’indispensable (« Born to run », « Darkness on the edge of town », « The River ») à qui s’intéresse à la trajectoire du Rock post-Viet-nam. Plus qu’un porte parole des joies et des peines du peuple, le Boss est une figure mondiale, un mec que l’on adore presque instantanément, une super-star qui a basée sa vie sur une prise de risques et une générosité sans limites. Springsteen président?
Engagé et à tendance coléreuse, Bruce est évidemment un grand sentimental qui n’oublie pas d’où il vient. A tous ceux qui l’ignorent, ce « Wrecking ball » est un ultime clin d’oeil démolisseur – amorcé lors de sa précédente tournée en version plus soft scéniquement parlant – à l’un des symboles de sa vie, de sa jeunesse, en bon américain banlieusard qu’il a été: la destruction du Giants stadium, enceinte mythique qui a vu les plus grands champions effectuer leur « best shots ». Springsteen et son E Street Band y ont donné les derniers concerts à l’automne 2009, autant de vestiges intangibles qui rayonnent encore dans les yeux de milliers de Boss-addict. Pour ce nouveau disque, Bruce a retrouvé Jon Landau à la production, et dès les premières notes, il prend soin de nos oreilles d’habitués: « We take care of our own » transpire déjà comme un classique. Difficile de trouver quelconque défaut à chacun des onze titres qui ornent l’album, on laissera ce dur labeur aux rapaces – il est toujours temps de se repentir – que le gros oeuvre springsteenien ne fait pas becter. Bruce fait du classique couillu (« Land of hopes and dreams »), des compositions de bas-ventre (« Wrecking ball »), mêlant du rock à dépoussiérer les saloon (« Easy money », « Shackled and drown ») à du recyclage country brûlant (« We are alive ») qui va lorgner vers le mariachi de Cash. Plus surprenante encore, sa collaboration avec l’ex RATM Tom Morello – caché depuis quatre albums sous le pseudonyme de « The Nightwatchman » – autre figure engagée, qui apporte ses effets et ses gimmicks inimitables(« Jack of all trades », « This depression »), ainsi qu’un entrain populaire sur lequel les deux compères semblent s’être rejoints (« Death to my hometown »). Si tout cela nous laisse impatient quant à son futur tour des stades, « Wrecking ball » chasse définitivement le syndrome du vieux con et nous assure d’une chose: à 62 ans, Springsteen est inarrêtable.
Gyslain Lancement
« Wrecking Ball », disponible en CD et Vinyl (Sony Music)
Bruce Springsteen et le E Street Band seront en concert le 09 Juillet 2012 au Letzigrund Stadion (Zurich)
Laisser un commentaire