Anton Newcombe est une saloperie. Ceux qui ont apprécié « Dig! » – film de Ondi Timoner sorti en 2004 – l’ont vite compris, avec ce documentaire écorché qui mettait en parallèle deux groupes bataillant sur le même terrain du rock indépendant, l’un avec plus de vague à l’âme que l’autre (les Dandy wahrols), pour un final round implacable et qui se confirme aujourd’hui en 2012: les Brian Jonestown Massacre rois de l’indé par K-O. Hasard ou coincidence? Les deux groupes sortent leur nouvel album en même temps. La différence, c’est que l’un sort du bois pendant que l’autre y fout le feu. Brian Jonestown Massacre, un nom à coucher dehors, ou bien à crever seul dans une piscine à 27 ans avec du monde autour, au choix. Le fait est qu’il y a prescription. Il paraîtrait que les vrais précurseurs de l’effet de serre seraient ni pue ni moins que les flatulences des dinosaures. C’est sans compter sur les vapeurs psychédéliques qui se dégagent de la bande à Anton Newcombe depuis treize albums. Dans sa balance comptable, BJM répond au passif par le nocif. Parce qu’avoir publié plus d’une douzaine de bons disques, en plus d’être une réelle prouesse – quoique pour une formation à géometrie variable – est presque un exploit. Mais le plus dur est de l’assumer, et c’est là que les Brian Jonestown Massacre font très fort. Résidus alchimiques d’une défonce durable?
Habitués à flinguer des noms d’album, BJM ne perd pas au change cette fois-ci avec « Aufheben« , qui récupère un peu de l’ambiance est-allemande et de la froideur berlinoise si cher à Lou Reed. Mais la question était de savoir si, deux ans après l’excellent « Who killed sgt pepper » et sa pochette christique en 3D – le Rock n’avait pas connu mieux dans l’osé, ici cléricalement opposé, depuis le recto d' »Electric Ladyland » de Jimi Hendrix et ses prostitués topless à 5$ de l’heure (pour une séance photo ayant duré 30 minutes, faites le calcul) – le groupe n’aurait pas tendance à planer un peu plus bas, se rendant ainsi visible à l’oeil nu, et identifiable à ceux qui, une fois le chef d’oeuvre pondu, n’ont plus rien à cacher sous la coquille. Et bien chapeau, messieurs! Si seulement le charabia islando-bâtard (« Viholiseni Maalla ») conjugué aux hybridations de laboratoire de Newcombe nous tendaient une perche déchiffrable, on y lirait: « qui m’aime me suive ». Car sans oublier la production impeccable des ces onze titres, il nous asperge de tiges sixties qui nous filent entre les doigts, agrémentées de quelques clins d’oeil charmeurs et filandreux aux Beatles (« I wanna hold your other hand ») ou aux pierres qui roulent (« Stairway to the best party »), le genre de signe qui te fait sentir une chose sûre: ce soir, je vais (vous) baiser. Dans ce trip somme toute linéaire, Newcombe n’en fait pas des tartines mais retombe quasiment chaque fois côté carrelage, sans jamais faire tâche: la force suprême du BJM? Ses instrus orientales (« Panic in Babylon »), ses fumées perturbantes (« Gaz hilarant »), ses incursions new-wave (« Blue order new monday ») ou ses flûtes envoutantes (« Illuminomi », « Face down on the moon »), sont autant de pipeau que tout le monde commence à croire, une arnaque qui se métamorphose en coup de maître. Le massacre commence maintenant.
Gyslain Lancement
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