Brandon Flowers. En français, « Brandon les fleurs ». Restons à l’anglais. Après tout, le leader de U2 s’appelle bien « Bono » aux nombreux acronymes et autres calembours (Bozo, Bobo…). Quel lien entre les 2 artistes? L’un est leader à temps partiel (du coup) des Killers, l’autre de l’icône post-punk des années 80, U2. Leur filiation passe par leur label commun: Island Records. Sauf que la pop de Flowers (et aussi celle des Killers) commence là où la créativité de U2 s’est embourbée 20 ans plus tôt (après « Boy », « Unforgettable fire » et « Joshua Tree », albums transitoires indispensables). Oui, nous sommes bien chez Island Records, en quête perpétuelle de sa poule aux oeufs d’or qui picore le pain noir du marché du disque.
La carrière solo, ça fait toujours un peu peur, on craint le refourgage de chutes de studio, le disque parenthèse refoulé du groupe ou alors la fin d’un cycle. Aucun des ces trois éléments ne vient entacher la pop mélodique de Brandon Flowers. L’exercice est même plutôt réussi et logiquement pas si détaché des productions des Killers. En même temps, ça paraît normal, quand Dave Gahan, en 2007, s’échappe de Depeche Mode le temps d’un disque, ça sentait quand même la New-wave de Martin L. Gore à plein nez… Petit flashback rapide sur ce qu’ont apporté les « Tueurs » depuis 5-6 ans, emmenés par ce leader-dandy ambitieux et sûr de lui qu’est Brandon Flowers. Premier album surprise en 2004, « Hot Fuss », et gros succès appuyé par le single « Somebody told me ». Island Records percute: on tient du lourd. Emballé par son euphorie, le groupe enchaîne sur un album plus rock et incisif, « Sam’s town » (étrange un nom de Casino quand on est originaire de Vegas) et s’égare même un petit peu (péché d’orgueil + jeunesse) en déclarant qu’on n’avait rien entendu de mieux depuis 20 ans… Léger soubresaut de la critique, Island convulse un poil. Enfin, en 2008, les Killers reviennent à leurs premiers amours électro-rock sur « Day & Age », porté par des singles imparables comme « Human » et « Spaceman ». A noter qu’une compilation de faces B sorties en 2007 se vendit à 1 millions d’exemplaires, sans doute grâce à ce duo avec Lou Reed (« Tranquilize »), idole avouée de Flowers, qui finira par achever Susan Boyle et autres grands jaloux fantasmant de croiser du velours vocal avec « Mister Velvet Underground ».
Nous sommes en 2010, une pause s’impose. Flowers, mormon d’origine et pratiquant (fini les aftershows, papa pouponne), nous refait le coup de l’ode à Vegas (« Welcome to fabulous… ») et rhabille cette ville depuis sa suite dorée, terre si riche à ses yeux (au sens propre mangé par le sens figuré), façonnée jadis par sa communauté qui aujourd’hui se fond dans cette tentation paradoxale et démoniaque de néons et de lumières. L’esprit et les arrangements vocaux des Killers accompagnent Flowers sur tout l’album (« Hard enough », « Jilted lovers &Broken hearts »), on y parle d’amour, de vécu personnel (« Playing with fire »), d’anges et démons (« Crossfire ») et parfois même sur des intonations très U2 (« Magdalena »). Tout l’album exagère un immense clin d’oeil aux Pet shop boys et au Bono des années 80 en plus moderne et à la production impeccable. Et oui, le mastering est parfait, propre, n’en déplaise aux jamais contents. « Swallow it » nous fait penser à du Lou Reed jeune et à jeûn, tant Flowers maîtrise les octaves. Un disque d’Island sans single? Ca n’existe pas: délectez-vous d' »Only the young », en piste pour le titre de chanson pop de l’année. Enfin, c’est sans aucun doute quand Daniel Lanois (U2, Dylan, Peter Gabriel…) écouta « On the floor », titre country-gospel étonnant, qu’il décida de produire ce sublime album qu’est « Flamingo » (nom d’un autre Casino célèbre de Vegas).
Flowers surprend ou confirme, tout dépend là où l’on se place, le costume taille patron est désormais à sa pointure et « son » disque de pop à la fois expérimentale tout en restant accessible et sobre en est le parfait exemple. Longue vie à ce « tueur »…
Extraits à écouter ici: Brandon Flowers, « Crossfire » – Brandon Flowers, « Swallow it » – Brandon Flowers, « Only the young »
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