Ce disque est l’histoire d’une fin. Enregistré le 23 Septembre 1980 au Stanley Theatre de Pittsburgh, peu de spectateurs de l’époque, aussi différents soient-ils, du rastafari au rapper’s delight, auraient pu deviner une issue si rapide et si cruelle au prophète jamaïcain. Quelques jours avant, un malaise en plein Central Park aura révélé à ses proches une fooltitude de tumeurs malignes. Saloperie de cancer, qui atteint même ce symbole universel, cette divinité des temps nouveaux, lui fils d’un blanc et d’une noire, figure de proue d’un métissage planétaire unificateur. Même trente ans après sa mort, la sortie d’un disque de Nesta Robert Marley est un évènement porté par une force surnaturelle. Le monde politique et musical lui doivent beaucoup. Unique superstar issue d’un pays pauvre, il a fait connaître le reggae à travers la planète. En seulement huit années (de 1973 à 1981) d’une carrière menée par trois maîtres mots: amour, contestation et spiritualité, Bob Marley a acquis une dimension sociale et spirituelle qui a fait de lui, pour beaucoup, un porte-parole de tous les opprimés. Ce début de l’automne à Pittsburgh fut le dernier crépitement d’un feu sacré.
Rien sans ses Wailers, fervents disciples des débuts soul jusqu’à la révélation rastafari, Bob est un leader adoré, un frontman à l’aura divine et à la crinière féline. La mort suspendue à son micro, la set-list bien garnie prend ici une tournure plus vrai que nature, portée par une énergie mystique, ne laissant jamais transparaître la faiblesse du condamné. « War/No more trouble », « No woman, no cry », « Could you be loved », « Smile Jamaïca »… le dernier serment d’amour est servi à volonté. Conscient que la fin approche, déterminé à jouer devant un public américain qui, trois jours avant, lui avaient honteusement préféré la guimauve des Commodores (Bob & the Wailers assuraient en effet la première partie du groupe de Lionel Ritchie au Madison Square Garden), Marley réussi à transcender son désarroi en communion universelle. Forcément, avec le recul, on peu retrouver des traces de tristesse dans son engagement du désespoir sur « Jammin' », une amertume masquée par des solos épiques sur « Heaten » et même une légère hésitation sur « Redemption song », suprême joyau acoustique d’un artiste qui enverra un écho éternel à tous ces (futurs) fidèles, mais jusqu’au bout, il fera corps et âme avec la magie rastafari. Au-delà du reggae, la musique de Bob Marley a touché tous les publics sur des générations, comme en témoigne un large culte encore en pleine expansion dans le monde entier. Et malgré les guerres de succession sur l’héritage financier du « most popular singer after Elvis Presley », on ne retiendra qu’une seule phrase, sa dernière, en forme de leçon de vie, chuchotée à l’oreille de son ainé légitime avant de s’éteindre: « l’argent ne fait pas la vie ».
Commentaire(s)
Merci pour l’article qui me donne envie d’acheter le nouvel album d’Eminem.
Un retour aux sources après un chemin de croix proche du calvaire.
Si comme tu le dis il a retrouvé la lumière…
A écouter donc!