Bénabar a une sensibilité de gauche. Il y a un mois, Charlie Hebdo brûlait sous les flammes haineuses d’une bande de lâches incapables d’assimiler le concept de la liberté d’expression. Deux semaines après ce scandale (étouffé depuis par les aberrations politiques liées au sauvetage de l’Euro), on ouvrait un Charlie en partie consumé mais à l’ironie et à la sympathie décuplées, pour peu que l’on préfère voir la vie de façon décalée. En page 7, courrier des lecteurs, un coup de gueule presque anonyme – pour celui qui ne prend le temps de déguster les sermons de ses fidèles – signé Bénabar, chanteur. Coup d’gueule d’un artiste devenu homme mûr et qui reste connecté au satirique via la presse. Merci pour tes sources, Bénabar. Surtout qu’à son sujet, on a tous eu peur. A la sortie d' »Infréquentable » (2008) – il faut le dire assez moyen – la critique ne l’a pas loupé. Le revers en pleine face d’un dîner annulé à la dernière minute? Le phénomène s’y apparente. Malgré l’ambivalence humoristique de son « dîner », on a senti qu’il aurait du mal à s’en remettre, que le fait de rester sous la couette doublé d’une popularité aussi soudaine que disproportionnée allait forcément lui revenir dans la figure. Il fallait remettre les choses entre quatre murs, et un toit.
Lui se dit infréquentable, nous le savons devenu incontournable. En quinze ans de carrière, Bruno Nicolini a toujours aimé la vie, mais avec une particularité: tirer les bénéfices du doute de chaque décennie de l’existence d’un homme, à vingt ans, trente ans ou aujourd’hui quarante ans. Son bel humour s’est bonifié, de sa participation aux scénarios de la série H – on n’a jamais fait plus drôle en sitcom franco-black-blanc-beur -, ses rôles pas incognito au cinéma et ses bandes originales de films. D’accord, ce qui peut agacer le côté punk qui sommeille en chacun de nous, c’est son acceptation de tout, son penchant sympa avec tout le monde, comme si sa notoriété se complaisait dans tout ça. Les minarets, les mariages gay ou le prêt-à-penser , Bénabar s’en fout assez pour les chanter avec modération. Et puis d’entrée, il nous emmerde (« Politiquement correct »)! Passés les sujets de société et les envies de déranger (« L’agneau », « Différents »), Bénabar propose ce qu’il sait faire de mieux en collant des parties de vie sur ses chansons. Toutes les manières d’enrhumer un homme sont bel et bien là (« Les râteaux »), sans oublier les angoisses d’un père qui vient de passer quadra (« Alors c’est ça ma vie? ») et qui complexe (« Faute de goût »). L’artiste chante les problèmes de son âge, conte l’histoire du mec de quarante ans qui doute, sur fond de dégoût politique: la crise de la quarantaine de l’homme 2011? Finalement, Bénabar ne change pas trop, il nous prend par la main et continue de chanter avec légèreté les choses (pas si) simples de la vie. Il a bien fait de tirer des « Bénéfices du doute », notre sourire est toujours là et sa popularité aussi. Soyons fous, puisqu’il aime ça. Après tout Bénabar, c’est un peu notre Charles Trénet moderne, en plus bobo et moins collabo.
« Les bénéfices du doute », disponible en CD et Livre-CD (Sony Music)
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